IntrusLE CHACAL DORÉ À LA CONQUÊTE DES ALPES
Un canidé exotique a été aperçu tout récemment en France voisine. Le prédateur a également été observé en Suisse et la colonisation de l'espèce y semble inéluctable.
- par
- Pascale Bieri

La présence du chacal doré dans notre pays ne devrait pas susciter les mêmes problèmes – et les mêmes polémiques – que ceux du loup.
Étrange découverte, faite cet automne dans le Chablais, en France voisine: un chacal doré – une espèce que l'on croise dans le nord de l'Afrique, le sud-est de l'Europe ou encore le Moyen-Orient jusqu'au sud de l'Asie – a été surpris de nuit par des pièges photographiques posés par la Fédération des chasseurs de Haute-Savoie. Une première! Et il n'y a aucun doute sur l'identité de l'intrus. Le cliché noir et blanc a été envoyé à un expert de l'Université de Genève pour confirmation. Et, effectivement, cet animal, dont le pelage ressemblait plutôt à un loup, mais dont la taille était plus proche d'un renard, est bien un Canis aureus, nom scientifique du canidé exotique.
Toutefois, la nouvelle ne surprend pas Pierrette Rey, porte-parole du WWF: «Avec le réchauffement climatique, cet animal remonte depuis le sud. Ces dernières années, on en a observé en Autriche, en Allemagne, en Italie, ainsi qu'en Suisse», souligne-t-elle. Il semble donc inéluctable que l'espèce, qui s'apparente au coyote d'Amérique du Nord, connaisse une expansion depuis les Balkans, via les Alpes. Ainsi, en 2011, entre le 27 novembre et le 12 décembre, un chacal doré a été identifié à cinq reprises – lui aussi par des pièges photographiques – à Saint-Gall, ainsi que dans les cantons de Berne, Vaud et Fribourg. Puis, en janvier 2016, un chasseur en a tué un par mégarde, dans les Grisons. «C'était la première preuve physique de sa présence en Suisse.». Rebelote, en mars 2016, dans le canton de Schwytz cette fois, où un garde-chasse abat un chacal doré en pensant qu'il s'agit d'un renard malade… Autrement dit, encore une erreur. Car, dans les faits, cet animal qui arrive de manière naturelle en Suisse est protégé par la loi, comme tout grand prédateur.
Mais faut-il se réjouir de cette nouvelle présence chez nous? Ni oui ni non, selon Nicolas Wüthrich, porte-parole de Pro Natura. «Le chacal doré n'est pas considéré comme une espèce envahissante. A priori, il ne devrait pas causer de problème à la faune locale… Mais, plutôt que l'arrivée de nouvelles espèces, en raison du réchauffement, nous sommes préoccupés par la disparition des espèces de chez nous. Et l'un ne va pas remplacer l'autre.»
Proche du renard
Cela étant, si le chacal doré s'installe vraiment en Suisse, il ne devrait pas provoquer les mêmes polémiques que le loup. Car de par son comportement, il se rapproche plutôt du renard et se nourrit principalement de petits mammifères, ou de charognes, ainsi que de fruits ou d'insectes.
Par ailleurs, selon Pierrette Rey, ce n'est pas demain que cet animal, plutôt discret, va coloniser notre pays. Même si certains y sont déjà et passent inaperçus. «Pour l'instant, on n'a observé que de jeunes mâles solitaires. Ils peuvent parcourir de longues distances, et ne faire que traverser le pays ou s'installer. Pour que l'espèce se développe, il faut que des femelles suivent. Ce qui n'est pas encore le cas.»