HumeurLe coronavirus a un nom nul qu'on n'utilisera pas
Les autorités sanitaires ont tardé à nommer le virus né en Chine. Et ensuite, elles ont perdu tout le monde: on ne comprend plus rien.
- par
- lematin.ch

Un homme prend la température des personnes voulant entrer dans un supermarché de Canton, en Chine.
On l'appelle le plus souvent «le coronavirus». À tort: le virus qui inquiète toute la planète est un virus précis appartenant à la vaste famille des coronavirus. À tort, oui, mais au moins tout le monde comprend de quoi on parle. Car ce virus a en fait un nom. Que vous n'avez sans doute jamais entendu. La faute aux autorités sanitaires mondiales, qui ont tardé. Puis foiré.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait d'abord donné une appellation provisoire au virus, le 2019-nCoV. Ce n'était en fait pas un nom: 2019 désignait l'année de sa découverte, le «n» indiquait qu'il était nouveau et «CoV» qu'il s'agissait d'un coronavirus.
Un Covid-19 un peu embêtant
Puis, l'OMS a traîné. Et traîné encore. Et plus elle traînait plus le terme «coronavirus» s'imposait et devenait difficile à substituer. Mais la semaine dernière, d'abord dans un tweet, l'OMS a enfin nommé l'ennemi: Covid-19.
Soignants, autorités, voyagistes, etc.: à ce stade tous ceux qui communiquent sur l'épidémie étaient un brin embêtés. Car que dire ou écrire? Nous journalistes, par exemple, devons rédiger des titres clairs et courts. Or continuer à utiliser «le coronavirus» était devenu impropre. Mais employer ce «Covid-19» c'était prendre le risque de ne plus être compris.
Virus confondu avec la maladie
Dès lors, un peu tout a existé et coexisté, le coronavirus, le nouveau coronavirus, le Covid-19, le coronavirus Covid-19. Le plus fréquent? Coronavirus dans le titre pour être compris. Puis le virus Covid-19 dans le texte pour être précis et d'actualité.
Sauf que l'OMS a mal communiqué. Et que tout le monde est allé trop vite. Résultat: la majorité a compris de travers et écrit désormais n'importe quoi. Car Covid-19 est en fait une abréviation de «coronavirus disease 2019». Soit la «maladie à coronavirus 2019». Oui: Covid-19 ne désigne pas le virus mais la maladie qu'il provoque…
Faux, faux et encore faux
Résultat, en français, les références que sont les agences de presse se plantent. L'Agence télégraphique suisse (ATS) comme l'Agence france presse (AFP) écrivent aujourd'hui à longueur de journée «le Covid-19» sans vraiment savoir de quoi elles parlent. Puisqu'il s'agit d'une maladie, il faudrait parler de LA Covid-19.
Mais n'en déduisez pas un peu vite que tous les journalistes sont nuls. L'information est tellement mal passée que la dénomination est également fausse… dans des grandes institutions sanitaires. Exemples: les deux plus grands hôpitaux romands. Les HUG ont une page consacrée au «Coronavirus Covid-19». Le CHUV a aussi la sienne pour les «Informations sur le nouveau coronavirus covid-19». Là aussi le virus et la pathologie sont confondus.
Un second SRAS
Bien. Mais comment s'appelle-t-il alors, ce fichu virus? SARS-CoV-2. Comme le résumait «Le Temps», ce n'est pas l'OMS mais le Comité international de taxinomie des virus qui l'a choisi (et tous deux ne se sont manifestement pas consultés…)
SARS-CoV-2, donc, pour «Severe acute respiratory syndrome coronavirus 2». Ce qui devrait donner SRAS-CoV-2 en français: le deuxième coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère. Le SRAS2, en somme, après l'épidémie de SRAS qui a causé près de 800 morts en 2003.
Continuons à tout mélanger
On notera en passant que le nom de la maladie renvoie au type de virus et ne dit rien de la pathologie. Et que l'appellation du virus renvoie, elle, à une manifestation de la maladie alors qu'on sait aujourd'hui que certains malades ne le sont pas et n'ont absolument aucun symptôme. Si on voulait sciemment embrouiller tout le monde, on n'aurait pas fait pire.
Voilà pour ce foirage. La morale? En l'état, ne comptez pas trop sur une dénomination correcte du nouveau coronavirus et de la maladie qu'il provoque. Sauf si vous souhaitez lire des informations comme: «A Wuhan, 28 personnes atteintes du deuxième coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère n'ont jamais eu aucun problème respiratoire mais 42 porteurs du SARS-CoV-2 sont décédés de la Covid-19.»