FacebookLe cul sec en vidéo arrive en Suisse
Des internautes se filment en train de boire de grandes quantités d'alcool avant d'inciter leurs amis à faire pareil. Baptisé «neknomination», ce genre de défi s'est reproduit plusieurs fois en Suisse ce week-end. A l'étranger, il a déjà tué cinq personnes.
- par
- Fabien Feissli

Samedi soir, André* a posté une vidéo de ses exploits alcoolisés sur Facebook.
André*, un Lausannois de 27 ans, est assis derrière un verre de pastis posé sur une table. Devant sa caméra qui tourne, il avale son verre. Cul sec. Puis il «nomine» trois personnes qu'il met au défi de faire pareil dans les prochaines 24 heures. Avec de la bière pour les plus raisonnables, du whisky, de la vodka ou même des mélanges pour d'autres. Et tout ça dans de grandes quantités allant de la chope à la bouteille. Ce genre de scène se répète ou se reproduit en boucle depuis quelques semaines via des vidéos postées sur les réseaux sociaux, notamment Facebook.
Venu d'Australie, le phénomène s'appelle «neknomination» (en anglais «neck your drink» signifie boire son verre cul sec). Il a fait un passage remarqué et mortel dans les pays anglo-saxons. Cinq jeunes en seraient morts la semaine passée, deux en Irlande et trois au Royaume-Uni. Des morts qui ne semblent pas enrayer le phénomène puisque ce week-end plusieurs Suisses romands ont posté leurs propres vidéos sur Facebook.
«Je l'ai fait parce que je ne voulais pas passer pour un lâche. Si ton pote te challenge, il faut réagir», raconte André. En revanche, le Lausannois ne comprend pas que certains relèvent le défi tout seuls chez eux. «C'est quelque chose qui se fait dans une ambiance de fête, ça doit rester bon enfant.» D'ailleurs, le jeune homme ne pense pas avoir pris beaucoup de risques samedi soir. «Je pense que là où ça peut déraper, c'est chez les adolescents. Eux, ils vont vouloir surenchérir et ils ne connaissent pas encore leurs limites», souligne-t-il.
«Un réel danger de mort»
Valentin*, 25 ans, est un autre Lausannois à avoir été «nominé» ce week-end par l'un de ses amis via Facebook. Mais lui a refusé tout net de participer. «J'ai déjà failli mourir une fois à cause d'un pari stupide, je ne suis pas près de recommencer», témoigne-t-il. En janvier 2008, pour relever un défi, Valentin avait avalé cul sec une demi-bouteille de vodka. La nuit s'était terminée aux urgences. «J'ai fait un arrêt respiratoire. Si je n'avais pas été à l'hôpital, je serais mort», raconte-t-il. Si pour Valentin il y a «un réel danger de mort avec ces conneries», comme André, il s'inquiète surtout pour les adolescents.
Secrétaire général du Groupement romand d'études des addictions, Jean-Félix Savary reconnaît que les adolescents peuvent constituer le public le plus exposé aux dangers de ce genre de mode. «Les réseaux sociaux et l'alcool forment un cocktail explosif», souligne-t-il. Pour autant, il invite à ne pas diaboliser Facebook. «Les concours de boisson ont toujours existé et la bêtise aussi. Ce qu'il faut, c'est encadrer les jeunes en les sensibilisant.»
Cette mode est suffisamment connue pour que certains jeunes, eux suffisamment sensibilisés, l'aient détournée à l'instar de Julien Voinson. Refusant de boire, ce Bordelais (F) a décidé de lancer la mode de la «smartnomination» (nomination intelligente) et d'offrir dix burgers à des SDF. Depuis, sa vidéo a été vue près de 500 000 fois sur YouTube et la mode des nominations caritatives reprise par de nombreux jeunes sur Facebook et Twitter.
*Prénoms d'emprunt