FootballLe génie de Kroos? C’est Zizou qui en parle le mieux
Un documentaire diffusé sur Arte éclaire le jeu de Toni Kroos grâce au témoignage rare de Zinédine Zidane. L’équipe de Suisse est prévenue.

- par
- Mathieu Aeschmann

Tony Kroos, l’homme qui voyait plus vite, ici contre l’Espagne le 3 septembre dernier.
Le capitaine qui mènera la Mannschaft face à la Suisse dimanche à Bâle est un footballeur qui avance presque caché derrière son incroyable palmarès. Toni Kroos est champion du monde, quatre fois vainqueur de la Ligue des champions. Il a gagné partout, en dictant le tempo des équipes depuis ce cœur du jeu qu’il interprète au sens large: No 8 obsessionnel façon Mazzola, de la première relance à la passe décisive. Incontournable, irremplaçable et pourtant jamais tout en haut de l’affiche, Toni Kroos a traversé une décennie d’exploits tel un chef d’orchestre caché derrière ses musiciens. Une anomalie qui valait bien un documentaire – «Kroos», réalisé par Manfred Oldenburg et diffusé sur Arte le 31 août dernier. Histoire de renverser la perspective et de regarder autrement celui que les Brésiliens avait appelé «l’architecte du désastre» après l’humiliation subie en demi-finale de la Coupe du monde 2014.
De ses chaussures blanches qu’il ne veut laisser à personne le soin de nettoyer à ses retours précipités pour retrouver sa famille, ce document effleure les rares obsessions d’un homme qui frappe par son calme et sa simplicité. Mais c’est surtout par la fenêtre qu’il ouvre sur le joueur que le film épate; notamment grâce à un vaste entretien réalisé avec Zinédine Zidane entre ses deux passages sur le banc du Real.
«Ce que je retiens de Toni, c’est sa sérénité, la sérénité qu’il dégage sur le terrain, attaque d’entrée «Zizou» comme pour insister sur le point central. C’est ce qui m’intéresse en tant qu’entraîneur parce que je l’ai vécu comme joueur. Plus on dégage de la sérénité, plus l’adversaire est en difficulté. Il y a beaucoup de tranquillité dans son jeu. Or la tranquillité dans le jeu, c’est ce qui rassure une équipe. Surtout dans les moments importants.» Et l’entraîneur du Real d’égrainer quelques remarques qui témoignent d’une admiration non feinte: «dans le jeu court, il ne perd pas un ballon», «techniquement, j’ai envie de dire que c’est parfait, même si la perfection n’existe pas», «Cristiano, il avait beacoup de respect pour Toni».
Mais le plus beau compliment arrive un peu plus tard (voir l’intégralité de l’entretien) lorsque, invité par son interlocuteur à extraire une anecdote, Zinédine Zidane bascule de sa position d’expert vers celle d’un spectateur presque lambda. Ou plutôt d’un simple amateur de ballon qui avoue son admiration. «Le voir s’entraîner au quotidien, oui, j’adorais voir Toni s’entraîner. Il était juste. C’était exceptionnel ce qu’il faisait à l’entraînement et je pèse mes mots. Moi, j’étais bon à l’entraînement aussi, mais j’étais pas comme lui. Lui c’était simple: je ne l’ai jamais vu perdre un ballon. Alors s’il en a perdu… peut-être un seul. C’était toujours fin, efficace, jamais de jour sans. C’est ça l’anecdote. Le gens, ils n’ont pas la chance de voir beaucoup d’entraînements. C’est dommage.»
C’est ce joueur rare que va affronter l’équipe de Suisse dimanche. Un joueur dont la beauté se dissimule derrière une efficacité discrète. Les contrôles de Toni Kroos, sa petite passe du plat du pied, ses transversales, rien ne brille mais tout fascine à condition de bien y regarder. Et en écoutant Zinédine Zidane en parler.