Opération «Lavage-Express»: Le juge Moro somme Lula de se rendre à minuit

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Opération «Lavage-Express»Le juge Moro somme Lula de se rendre à minuit

Le juge anticorruption Sergio Moro a ordonné l'incarcération de l'ex-président brésilien. Il a jusqu'à minuit ce vendredi pour se présenter à la police.

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Lula a été condamné en appel à 17 ans de prison contre près de 13 ans en première instance dans une affaire de corruption. (Mercredi 27 novembre 2019)

Lula a été condamné en appel à 17 ans de prison contre près de 13 ans en première instance dans une affaire de corruption. (Mercredi 27 novembre 2019)

AFP
«Le combat n'est pas terminé», a scandé dimanche soir l'ex-président Lula, haranguant une foule galvanisée de plusieurs dizaines de milliers de personnes à Recife (nord-est). (17 novembre 2019)

«Le combat n'est pas terminé», a scandé dimanche soir l'ex-président Lula, haranguant une foule galvanisée de plusieurs dizaines de milliers de personnes à Recife (nord-est). (17 novembre 2019)

AFP
Lula a tenu un premier meeting, moins de 24 heures après sa sortie de prison, s'en prenant au président brésilien Jair Bolsonaro. (Dimanche 10 novembre 2019)

Lula a tenu un premier meeting, moins de 24 heures après sa sortie de prison, s'en prenant au président brésilien Jair Bolsonaro. (Dimanche 10 novembre 2019)

AFP

L'ex-président brésilien Lula n'était plus vendredi qu'à quelques heures de la prison, un juge lui ayant laissé jusqu'à la fin de la journée pour se rendre, ce qui compromet sérieusement les chances du favori des sondages pour la présidentielle d'octobre.

C'est son ennemi intime, le juge anticorruption Sergio Moro qui a émis jeudi en fin de journée un mandat de dépôt contre Luiz Inacio Lula da Silva. «Au vu de la fonction qu'il a occupée, il aura la possibilité de se présenter volontairement à la police fédérale de Curitiba (Sud)» avant vendredi 17 heures (minuit en Suisse), selon le mandat consulté par l'AFP.

Il s'agit là d'une victoire éclatante pour les procureurs de l'opération «Lavage-Express», enquête tentaculaire qui a mis au jour un gigantesque scandale de corruption impliquant des hommes politiques de tous bords.

Sans menottes

Le juge Moro a interdit «l'utilisation de menottes dans tous les cas de figure» et a précisé qu'une «salle réservée» a été prévue dans les locaux de la police pour l'ancien métallo devenu président, «à l'écart des autres prisonniers sans aucun risque pour son intégrité morale ou physique».

Lula se trouvait jeudi à Sao Paulo, à environ 400 km de Curitiba, ville où est basé Sergio Moro, qui avait condamné l'icône de la gauche latinoaméricaine en première instance en juillet, un jugement confirmé en appel à la mi-janvier.

Peu après l'annonce de l'émission du mandat de dépôt, le Parti des Travailleurs (PT), fondé par Lula dans les années 1980, a annoncé une «mobilisation générale» contre son incarcération.

Partisans rassemblés

Plusieurs milliers de sympathisants étaient massés jeudi soir au siège du syndicat des métallurgistes, à l'extérieur de Sao Paulo, où Lula devait intervenir. L'ancienne présidente Dilma Rousseff a pris la parole tard dans la nuit juchée sur un camion devant une foule compacte qui agitait drapeaux rouges et pancartes.

«Lula est innocent et il n'y a pas de crime plus grave que de condamner un innocent», a-t-elle lancé.

L'ancien chef de l'Etat a accordé une interview à un célèbre journaliste politique brésilien Kennedy Alencar. «Lula a dit que la prison était quelque chose d'absurde sur lequel s'obstinent le juge Moro et ceux qui veulent le voir un jour prisonnier », a écrit le reporter sur Twitter, aussitôt retweeté par l'ancien dirigeant de 72 ans.

Luxueux appartement en bord de mer

Dans la nuit de mercredi à jeudi, la Cour suprême du Brésil avait rejeté une demande d'habeas corpus qui aurait permis à l'ex-président (2003-2010) de rester en liberté jusqu'à l'épuisement de tous les recours.

Lula, 72 ans, a été condamné pour avoir reçu un luxueux appartement en bord de mer de la part d'une entreprise de bâtiment en échange de faveurs dans l'obtention de marchés publics.

Le poids lourd de la gauche au bord du KO, également sous le coup de six autres procédures judiciaires, nie farouchement, invoquant l'absence de preuves et dénonçant un complot visant à l'empêcher de se présenter à la présidentielle d'octobre.

C'est une «violence sans précédents dans notre histoire démocratique», a réagi Gleisi Hoffmann, présidente du PT. «Un juge chargé de haine et de rancune, sans preuves» décide d'un «emprisonnement politique, qui rappelle les temps de la dictature», a-t-elle ajouté.

Enjeux électoraux

Situation ubuesque : Lula peut même faire campagne derrière les barreaux. La loi de «Ficha Limpa» (casier propre) le rend en théorie inéligible au vu de sa condamnation en appel.

Mais sa candidature ne sera analysée formellement qu'en septembre par la justice électorale et ses avocats ont l'intention de multiplier les recours d'ici là.

Selon les analystes, sa candidature a de grandes chances d'être invalidée par la justice électorale, mais la stratégie du PT est de surfer sur l'émoi que suscite son incarcération pour qu'ensuite le «Plan B», un autre membre du parti, bénéficie du report de voix. «Si Lula pouvait être candidat, il arriverait automatiquement au second tour. Avec l'avance qu'il a dans les sondages il aurait été très peu probable qu'il n'y soit pas. Mais sans Lula, le jeu est ouvert», estime Michael Mohallem.

«Un but marqué contre l'impunité»

Mercredi soir, l'annonce de son revers face à la Cour suprême a été accueillie par des célébrations et des feux d'artifice de ses détracteurs à Brasilia.

Dans ce pays qui a vécu sous le joug de la dictature militaire de 1964 à 1985, c'est le député d'extrême droite Jair Bolsonaro, grand nostalgique de cette époque, qui arrive derrière Lula dans les intentions de vote.

«Le Brésil a marqué un but contre l'impunité et la corruption, mais ce n'est qu'un but, l'ennemi n'est pas encore vaincu», a-t-il déclaré dans une vidéo sur Youtube, appelant à élire en octobre un président «qui soit honnête».

(AFP)

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