LibanLe Liban a enfin élu un président
Après un vide institutionnel de 29 mois, le parlement a choisi l'ex-général chrétien maronite Michel Aoun, 81 ans.

Affiches de Michel Aoun, le 30 octobre 2016 à Sidon (Liban).
Michel Aoun a obtenu 83 voix, 36 votes blancs et 8 annulés sur un total de 127 députés.
L'ancien général chrétien a été élu en application d'un accord conclu avec son ancien adversaire, le sunnite Saad Hariri, qui brigue le poste de premier ministre. Il a aussi reçu l'appui inopiné d'un autre adversaire politique: le chef chrétien maronite des Forces libanaises (FL) Samir Geagea.
Cette élection marque le spectaculaire retour en grâce de l'ex-commandant en chef de l'armée libanaise. Il devient le troisième général à accéder à la magistrature suprême. Le «pacte national», accord non-écrit conclu en 1943, réserve la présidence du Liban à un chrétien maronite, le poste de chef du gouvernement à un sunnite et la présidence de la Chambre des députés à un chiite.
Discours pacifiste
Dans son discours d'investiture, Michel Aoun s'est engagé à lutter contre le terrorisme et empêcher que des «incendies» régionaux se propagent au Liban. Il a ajouté que tout règlement de la crise syrienne devait assurer le retour en Syrie des réfugiés présents au Liban, qui sont au nombre de 1,5 million.
Il a affiché son désir de se distancier de la guerre en Syrie alors que son principal allié, le mouvement chiite du Hezbollah, combat depuis trois ans dans le pays voisin aux côtés des forces du régime de Bachar el-Assad.
Concession politique majeure
En décidant de soutenir Michel Aoun, Saad Hariri a fait une concession politique majeure qui reflète le recul de l'influence de l'Arabie saoudite au Liban et le rôle toujours décisif joué par le Hezbollah, appuyé par l'Iran. Ryad a soutenu M. Hariri pendant les années de lutte politique qui ont opposé le camp sunnite au Hezbollah et ses alliés.
Les déboires financiers de M. Hariri, dont l'entreprise de construction basée en Arabie saoudite, Saudi Oger, est confrontée à des difficultés, ont également joué leur part dans ce déblocage de la crise.
Les observateurs notent cependant que son accession au fauteuil de premier ministre, fonction qu'il a déjà exercée entre 2009 et 2011, devrait l'aider à rassembler des soutiens en vue des élections législatives qui doivent se tenir en 2017.
Retour au palais présidentiel
Michel Aoun rejoint pour six ans non renouvelables le palais présidentiel de Baabda, d'où il avait été chassé il y a 26 ans par l'armée syrienne. Il s'était alors réfugié à l'ambassade de France avant d'être exfiltré vers l'Hexagone. En 1988, le président Amine Gemayel, quittant le pouvoir sans successeur, l'avait en effet nommé à la tête d'un gouvernement militaire.
Pendant ses deux ans au pouvoir, il avait lancé sans succès «la guerre de libération» contre l'armée syrienne présente au Liban, puis tenté en vain de désarmer les FL dirigées par Samir Geagea. Ces affrontements furent un désastre.
Durant son exil en France, Michel Aoun a continué à militer contre la Syrie et n'a regagné son pays qu'en 2005, après le retrait des forces syriennes consécutif aux vastes manifestations ayant suivi l'assassinat de Rafik Hariri, père de Saad. Il avait alors reçu un accueil triomphal sur la place des Martyrs à Beyrouth.
Alliance avec le Hezbollah
Moins d'un an plus tard cependant, Michel Aoun concluait une alliance avec le Hezbollah, se rangeant dans le camp favorable à Damas et provoquant la colère de Washington. Michel Aoun s'est rendu en Syrie en 2009, où il a rencontré le président Bachar el-Assad.
L'ex-général a justifié le rôle de la milice chiite aux côtés des forces gouvernementales en Syrie, estimant qu'elle défendait le Liban et les chrétiens libanais contre la menace djihadiste.
La victoire de M. Aoun a été célébrée par des feux d'artifice dans le quartier chrétien d'Achrafié de Beyrouth. A Jedidé, dans la banlieue est de la capitale où il habite, des milliers de voitures klaxonnaient, ses partisans brandissaient son portrait et d'autres sablaient le champagne.
La Syrie exultait aussi. Le quotidien proche du pouvoir Al-Watan publie à la une la photo de Michel Aoun, avec ce commentaire: «C'est le triomphe de la résistance, de la Syrie et de ses alliés. C'est le triomphe de Michel Aoun. C'est la victoire pour l'option nationale». L'Iran a «félicité» le peuple libanais, voyant dans l'élection de M. Aoun «un pas important pour enraciner la démocratie et assurer la stabilité du Liban».