MédecineLe lupus cher au Dr House est difficile à diagnostiquer
Confrontés aux pires scénarios, combien de fois les héros de «Dr House» se sont-ils demandé: «Et si c'était un lupus?» Grâce à la série, le nom de cette maladie est connu de nombreux téléspectateurs. Mais qui, au juste, en connaît les caractéristiques?
- par
- Elodie Lavigne

Au Dr Camillo Ribi, chef de clinique au Service d'immunologie et d'allergologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et coresponsable de la Cohorte suisse sur le lupus érythémateux systémique (SSCS), de nous éclairer: «Le lupus érythémateux systémique est une maladie auto-immune, chronique, dans laquelle le système immunitaire s'attaque aux cellules de l'organisme. Il s'agit d'une maladie rare. On estime à environ 4000 le nombre de personnes qui en souffrent en Suisse.» Dans neuf cas sur dix, elle touche des femmes en âge de procréer, en particulier qui approchent la quarantaine. Mais elle peut aussi atteindre les enfants et les personnes âgées. En fait, il existe plusieurs types de lupus. La forme la plus sévère, le lupus «systémique», s'attaque à de nombreuses parties du corps (peau, reins, articulations, cœur, poumons, cerveau, etc.). Dans certains cas, l'inflammation se limite à la peau. On parle alors de lupus «cutané». Chez 10% de ces patients seulement, la maladie finit par s'étendre à d'autres organes.
De multiples facettes
Mais pourquoi le lupus est-il souvent évoqué dans les réflexions diagnostiques du Dr House et de son équipe? «Comme l'inflammation est susceptible d'affecter tous les organes et les tissus, ses manifestations cliniques peuvent être très diverses: poussées de fièvre inexpliquées, perte de poids, fatigue, malaise général, douleurs articulaires ou musculaires, lésions cutanées (chute de cheveux, aphtes, plaques rouge en forme de papillon autour des yeux et du nez), gonflement des ganglions, troubles de la vision, difficultés de concentration, état dépressif, symptômes psychiatriques aigus…», détaille le Dr?Ribi.
Complexe sur le plan de ses manifestations, le lupus l'est aussi en termes de causes. On suppose qu'une combinaison de facteurs génétiques, hormonaux, environnementaux (déclenchement de la maladie par une maladie infectieuse comme la mononucléose ou exposition aux rayons UV, par exemple) en est à l'origine. En raison de ses multiples facettes, cette maladie peut ressembler à beaucoup d'autres, au même titre que la syphilis, souvent suspectée par les médecins de la série. «Ainsi, lorsqu'on se trouve face à un cas complexe, il s'agit d'avoir en tête les différentes manifestations du lupus en vue d'un diagnostic aussi rapide que possible», relève le Dr Pierre-Alexandre Bart, médecin adjoint au Service d'immunologie et d'allergie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Pour aboutir à ce diagnostic, quatre critères (sur onze) sont requis: manifestations cutanées, arthrite, atteintes rénales et neuropsychiatriques. Au niveau sanguin, la maladie se marque, en général, par la présence d'anticorps spécifiques dirigés contre les protéines et débris cellulaires de l'organisme.
Traître et imprévisible
Bien que rare, le lupus est l'une des maladies auto-immunes les plus fréquentes. «Les médecins sont sensibilisés à son existence, mais il arrive que le diagnostic soit posé tardivement, poursuit le Dr Bart. C'est le cas lorsque les manifestations sont peu spécifiques. Un patient traité, par exemple, pour des douleurs articulaires simples peut, des années plus tard, présenter des symptômes plus graves qui mèneront à des investigations plus poussées et au diagnostic de la maladie.»
Car le lupus est aussi traître qu'imprévisible. Calme pendant des années, il peut ressurgir et devenir difficilement maîtrisable. Sa sévérité est fort variable selon les patients et selon les périodes chez un même individu. Certains vivent normalement, tandis que d'autres doivent renoncer à une activité professionnelle. On peut même mourir de ses complications, en cas de défaillances d'organes (hémorragie cérébrale ou pulmonaire, insuffisance rénale), d'où l'intérêt d'un diagnostic précoce et d'un suivi régulier. «Il est essentiel que les patients soient bien informés des manifestations de la maladie, en particulier de la nécessité de se protéger du soleil et de prendre leur traitement régulièrement», souligne le Dr Bart.
Aujourd'hui, pour prévenir les rechutes et éviter les complications, on prescrit, pour les formes légères à modérées, des antimalariques (qui traitent la malaria) et, pour les lupus les plus sévères, des immunosuppresseurs. Et ces prochains mois, des médicaments biologiques spécifiques et prometteurs pour les cas légers seront mis sur le marché.