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RémunérationLe National rejette l'initiative sur les salaires abusifs

Pas question de limiter le salaire du patron à 12x celui de l'employé le moins bien payé, estime le National. Il a rejeté jeudi l'initiative «1:12 - Pour des salaires équitables» de la Jeunesse socialiste.

Entre 2002 et 2007, les salaires des managers ont progressé de 80% et ceux des autres employés seulement d'un peu plus de 2%, a rappelé la socialiste vaudoise Ada Marra.

Entre 2002 et 2007, les salaires des managers ont progressé de 80% et ceux des autres employés seulement d'un peu plus de 2%, a rappelé la socialiste vaudoise Ada Marra.

Keystone

Déposé en mars 2011, le texte «1:12 - Pour des salaires équitables» lancé par la Jeunesse socialiste veut empêcher que, dans une même entreprise, un employé gagne moins en un an que son patron en un mois. «L'initiative permet de mettre fin aux abus crasses constatés ces dernières années», a lancé Cedric Wermuth (PS/AG).

«Les plus riches, avec la complicité de ce Parlement, ont pu se servir de manière éhontée dans les richesses du pays», a-t-il dénoncé. Entre 2002 et 2007, les salaires des managers ont progressé de 80% et ceux des autres employés seulement d'un peu plus de 2%, a souligné Ada Marra (PS/VD).

Le texte serait aussi bénéfique pour la démocratie. «On m'a appris que le peuple avait le dernier mot en Suisse, mais aujourd'hui, une minorité fait passer ses intérêts avant ceux du peuple», a déploré M. Wermuth. Cette concentration de richesse et de pouvoir est une véritable menace, selon Jacqueline Fehr (PS/ZH).

Cas isolés

La majorité a reconnu l'existence d'abus. Mais il s'agit avant tout de cas isolés, a assuré Dominique de Buman (PDC/FR) pour la commission. Dans la plupart des cas, le rapport de 1 à 12 est respecté. Pour les services du Parlement, il est de 1 à 6, a-t-il illustré. «Il serait donc erroné de corriger des abus isolés par un abus généralisé.»

D'autant plus que les actionnaires auront bientôt davantage de compétences pour contrôler les salaires des managers. C'est ce que prévoit le contre-projet indirect à l'initiative de Thomas Minder, a souligné le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann. «Je comprends la colère des citoyens devant le comportement mafieux de certains managers», a ajouté Alois Gmür (PDC/SZ). «Mais il n'appartient pas à l'Etat de s'immiscer dans la formation des salaires».

Efficacité en doute

L'efficacité de l'initiative a aussi été mise en doute. La règle 1 à 12 peut être contournée en séparant une entreprise en deux entités distinctes, a précisé Peter Spuhler (UDC/TG). L'une comprendrait les employés touchant de hauts salaires et l'autre le reste des salariés.

Plus encore, le texte de la Jeunesse socialiste met en danger la Suisse, a alerté Ruedi Noser (PLR/ZH). «Nous allons devenir la Corée du Nord de l'Europe: tous égaux, mais tous pauvres».

La liberté économique et la flexibilité constituent les fondements du succès helvétique, a ajouté M. Spuhler. Et Thomas Aeschi (UDC/ZG) de lui emboîter le pas: «les pays où le marché du travail est fortement régulé sont en mauvaise posture». «Plus personne ne veut investir en France», a conclu M. Spuhler.

Autre risque, les multinationales, visées en première ligne, pourraient partir à l'étranger, a-t-il ajouté. Les managers suivraient avec à la clé une baisse des recettes pour les impôts et les cotisations sociales, a renchérit Hanssjörg Hassler (PBD/GR).

Au final, le texte a été rejeté par 110 voix contre 59.

Gauche isolée

«Il faut arrêter avec le départ des multinationales. On nous sert cet argument à toutes les sauces, il ne fonctionne plus», a répliqué Mathias Reynard (PS/VS). Le PS et les Verts sont malgré tout restés bien seuls pour défendre le texte.

«Non, cette initiative n'est pas naïve, inapplicable ou folle, même si c'est ce que tous veulent faire croire», a lancé Ada Marra. La redistribution des richesses est fondamentale pour la cohésion de la société, a souligné Balthasar Glättli (Verts/ZH).

L'initiative est éminemment suisse, a poursuivi Maria Roth- Bernasconi (PS/GE), contrant ceux qui défendent le modèle économique libéral helvétique. «Comme en 1291, il s'agit de s'allier contre l'arbitraire. La devise de la Confédération n'est-elle pas «un pour tous, tous pour un?»».

Et Louis Schelbert (Verts/LU) de fustiger les solutions mises en avant par la droite et le Conseil fédéral. Sans limite supérieure, elles n'ont aucun mordant et n'empêcheront pas les abus. «Nous n'avons rien appris de la crise économique», s'est désolé Corrado Pardini (PS/BE). Le Conseil des Etats doit encore se prononcer.

(ats)

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