InternetLe nouveau défi qui enflamme le web
Après les vidéos où des internautes boivent cul-sec et celles où ils se jetent dans l'eau froide, voici le «Fire Challenge». Objectif? Se mettre le feu. Littéralement.
- par
- Fabien Feissli
Après s'être aspergé de liquide inflammable, le candidat au «Fire Challenge» craque une allumette.
Le jeune homme est torse nu dans sa baignoire. Une bouteille d'allume-feu dans une main, une boîte d'allumettes dans l'autre. Il s'asperge le haut du corps de liquide inflammable. Un comparse filme la scène. L'allumette craque et tout s'enflamme. Une fois l'incendie corporel éteint, la vidéo rejoindra de nombreuses autres du même style sur les réseaux sociaux. Venu des E tats-Unis, voici le «Fire Challenge». Il a déjà fait des dégâts outre-Atlantique avec des brûlures au deuxième voire au troisième degré.
Dans la même veine, «Le Matin» évoquait, en février dernier, les «neknominations», des internautes mis au défi par leurs amis sur Facebook de boire cul sec une grande quantité d'alcool. Depuis, il y a aussi eu «à l'eau ou au resto», où il fallait sauter dans l'eau froide ou payer un restaurant à celui qui vous avait nominé. Deux phénomènes qui ont connu leur heure de gloire en Suisse romande ces dernières semaines.
«A l'adolescence, il est normal de vouloir tester ses limites. Mais sur Internet, il y a d'autres enjeux. On est seul face à sa caméra, sans contrôle social», explique Corine Kibora, porte-parole d'Addiction Suisse. Elle souligne aussi la dimension narcissique de ces défis. «Tout le monde nous regarde. La tendance est de vouloir aller toujours plus loin pour atteindre encore plus de popularité.»
«La mise au défi est publique»
Sociologue, spécialiste des nouveaux médias à l'Université de Lausanne, Olivier Glassey abonde: «Sur les réseaux sociaux, on se raconte aux yeux des autres. Ce qui est important, c'est comment ils perçoivent ce que l'on a osé faire.» Selon lui, il y a aussi une forte pression sociale liée au système de nomination sur Facebook. «La mise au défi est publique. On est jeté en pâture à la vue de tous. C'est dur de résister.»
Pour le spécialiste, ces phénomènes sont éphémères. «Dès qu'elles sont médiatisées, ces pratiques perdent leur côté original et donc de leur intérêt. Cela désamorce la tendance.» Néanmoins, Olivier Glassey ne doute pas qu'il y aura d'autres tendances, plus ou moins intelligentes. «L'imagination des internautes est sans limites», assure-t-il.
De son côté, Gianni Haver, sociologue de l'image à l'UNIL, rappelle que ce genre de défis est antérieur à Internet. «La mise à l'épreuve n'a pas attendu les réseaux sociaux même si ceux-là amplifient le phénomène.» Et le sociologue de rappeler que certains de nos ancêtres avaient aussi recours à des rites d'initiation très violents. «C'était une césure entre le monde de l'enfant et de l'adulte. Notre société le fait très peu. C'est une manière de dire: «Je ne suis plus un gamin. Je prends des risques.»
Des risques qu'il faut tout de même maîtriser. Dans un certain nombre de pays, ces défis ont déjà fait plusieurs morts. Corine Kibora souligne l'importance pour les jeunes d'apprendre à dire non. «Les parents doivent fixer des limites mais aussi s'intéresser à ce que leurs adolescents font sur Internet et en parler avec eux.»