SuisseLe paiement par carte sur internet toujours surtaxé
Alors que la Comco a obtenu que les achats payés par carte de crédit ou au comptant soient facturés au même tarif, l'équité n'est toujours pas appliquée.

Image d'illustration.
De nombreux commerces en ligne prélèvent encore des taxes additionnelles lorsque le consommateur paie par carte de crédit. Une pratique pourtant censée être abolie depuis début août, mais que Visa Europe et MasterCard tardent à sanctionner.
La Commission de la concurrence (Comco) a conclu un accord fin 2014 avec les entreprises qui délivrent les cartes de crédit pour faire baisser la commission d'interchange, frais généralement répercutés sur le consommateur. D'abord facturés à la banque du commerçant et supportés par celui-ci, ils sont ensuite souvent apposés au prix de vente des produits.
Depuis début août, cette commission est passée de 0,95% à 0,7%, un niveau assez bas pour qu'un paiement comptant ou par carte ne présente plus de différence pour les commerçants. Une seconde étape, en août 2017, prévoit de l'abaisser encore, à 0,44%. La COMCO estime que ceux-ci devraient économiser entre 50 et 60 millions de francs par année, grâce à cet accord.
En échange, les émetteurs de cartes de crédit ont obtenu la possibilité d'interdire aux commerçants de prélever des frais additionnels en cas de paiement par carte, sans que la COMCO n'interdise elle-même la pratique. Le gendarme de la concurrence espérait que ces allègements se répercuteraient sur les prix proposés aux consommateurs, ce qui n'est pas vraiment le cas.
Voyages et électronique taxés
Bien souvent encore, les plateformes de commerce en ligne continuent d'ajouter des frais en fonction du moyen de paiement choisi, comme le montre une étude faite par le comparateur en ligne comparis. L'écart entre le prix de la marchandise et le montant total du panier de commande peut sensiblement varier.
C'est le cas notamment de voyagistes en ligne, comme Kuoni, Hotelplan ou Swiss, et la pratique est aussi très répandue sur les sites de vente de spécialistes de l'électronique, comme Mediamarkt ou Digitec. La taxe est souvent de l'ordre de 2% du total. Parfois les frais sont fixes et identiques pour tout achat.
Le noeud du problème est à chercher dans le «rapport de force» que se livrent «acquirers» et commerçants, selon comparis. Les «acquirers» sont des processeurs de paiement, des entreprises qui s'occupent de recruter des commerçants pour l'acceptation de cartes de crédit et leur fournissent un système pour encaisser les sommes payées par ce biais. Ils sont un intermédiaire entre l'émetteur de la carte et le commerçant.
Bisbille autour des contrats
«Les commerçants ont peu d'intérêt à prendre à leur charge les frais engagés lors de transactions par carte de crédit, car cela réduirait leur marge», écrit comparis. Dans l'enquête faite par ce comparateur, les commerçants expliquent que leurs contrats actuels avec les «acquirers» n'interdisent pas de surcoût et qu'il incombe d'abord à ces derniers de les modifier.
Faux, rétorquent ces derniers. «Nous avons modifié nos conditions générales de vente et informé les commerçants des changements», indique à l'ats Jürg Schneider, porte-parole de SIX Payment Services. Même son de cloche du côté d'Aduno. «Nous devons nous conformer aux directives de Visa et MasterCard», relève la porte-parole Nadine Geissbühler.
Ces directives des deux sociétés américaines, qui travaillent avec des émetteurs de cartes du monde entier, interdisent justement le prélèvement de suppléments. Et depuis l'entrée en vigueur de l'accord négocié avec la COMCO, elles sont valables aussi en Suisse. Dès lors, en cas d'infraction, Visa et MasterCard ont la possibilité d'infliger des sanctions, allant de l'amende au retrait de licence.
Le dialogue avant l'amende
Rien de tel pour l'heure. Les deux firmes vont dans un premier temps se contenter d'observer les agissements des commerçants. Et en cas d'infraction, elles vont en référer à la COMCO avant de décider de sanctions, indique un expert, qui ne souhaite pas être nommé.
Visa Europe dit n'avoir aucun intérêt à infliger des amendes. «Aucune procédure n'a dû être engagée jusqu'à présent. Nous essayons de clarifier et résoudre les éventuels manquements par le dialogue», explique la porte-parole Bettina Schoch.
Mais les règles sont claires: «Les contrats doivent être modifiés par les «acquirers». Les amendes ne seront infligées qu'en dernier recours. La société MasterCard réitère elle aussi sa volonté de faire appliquer les règlements.