BruxellesLe Pen fait ses adieux au Parlement
Le fondateur du FN qui, exclu du mouvement, a rejoint en 2018 le parti européen néofasciste Alliance pour la paix et la liberté, ne peut plus se représenter.

Jean-Marie Le Pen fait ses adieux mardi au Parlement européen en même temps qu'à la vie politique. Même si, toujours bravache, le nonagénaire aurait rêvé se faire réélire et, «comme Molière», «mourir sur les planches».
Le cofondateur du Front national (FN), qu'il a présidé près de 40 ans avant de le léguer à sa fille Marine en 2011, a été élu sept fois d'affilée à l'assemblée de Strasbourg dont il est l'un des doyens. Durant la même période, il n'a été député que deux ans en France, de 1986 à 1988.
C'est un scrutin européen, celui du 18 juin 1984, qui a permis au FN, partisan à l'époque d'une sortie de la France de l'Europe, de franchir pour la première fois la barre des 10% au plan national, et d'envoyer dix députés à Strasbourg, dont Jean-Marie Le Pen. L'eurodéputé raconte à l'AFP que «c'était la première victoire après une longue traversée du désert» et son premier souvenir marquant.
Chambre d'écho inespérée
Chambre d'écho inespérée pour le FN (devenu Rassemblement national sous la férule de Marine Le Pen), le Parlement européen fut aussi l'un de ses pires ennemis. Le RN est aujourd'hui accusé par la justice d'y avoir mis en place un «système de détournement», à son profit, des rémunérations de ses assistants parlementaires.
Au Parlement, Jean-Marie Le Pen fut «la figure de proue de l'extrême droite européenne et son principal orateur». Il a siégé dans le même groupe que le parti néofasciste italien MSI qui, lui, s'est «très peu intéressé à Strasbourg», rappelle le politologue français Jean-Yves Camus.
L'hémicycle lui a aussi «permis de nouer des contacts au niveau international. En montrant qu'au fond, si le parti était isolé à l'intérieur - en France -, il avait quand même des amis à l'extérieur», ajoute-t-il.
Poursuite du combat
Exclu du FN en 2015 après ses propos polémiques sur les chambres à gaz, il ne peut plus se représenter, même s'il aurait bien voulu «assumer le rôle de doyen» dans l'enceinte européenne, «un peu comme Molière qui souhaitait mourir sur les planches» précise-t-il.
A 90 ans, il «s'apprête à se faire à l'idée» de n'avoir plus de mandat électoral, mais réfute quitter la vie politique, en annonçant son traditionnel rassemblement du 1er mai à Paris.
Son exclusion du FN lui a valu de siéger parmi les non-inscrits puis de rejoindre en 2018 le parti européen néofasciste Alliance pour la paix et la liberté, qui rassemble notamment le NPD allemand et l'Aube dorée grecque. Un mouvement distinct de l'Europe des nations et des libertés (ENL) auquel est rattaché le RN.
Pourtant, Jean-Marie Le Pen soutiendra la liste du RN aux élections européennes malgré les «désaccords» avec sa fille, notamment sur l'euro.
Immunité levée
Sa fille l'a quand même complimenté dans les colonnes du Parisien: «Je ne peux que lui tirer mon chapeau pour l'ensemble de sa carrière (...) Il a soufflé sur la petite flamme de la nation qui reprend aujourd'hui toute sa place».
Jean-Marie Le Pen dénonce la «volonté fédéraliste des majorités» au Parlement, mais a surtout la dent dure contre «la dictature de la technocratie» européenne. Visé par des procédures de recouvrement pour les emplois présumés fictifs, il doit rembourser au Parlement 320'000 euros.
Ses adversaires ne sont pas davantage cléments: l'eurodéputée socialiste Pervenche Bérès, élue depuis 1994, dit qu'il prenait «de la place avec son service de sécurité, mais qu'il n'a rien fait» sur le plan politique.
Neuf fois, ses collègues du Parlement européen ont réclamé la levée de son immunité, que ce soit pour des propos controversés hors de l'hémicycle ou pour les emplois fictifs. Trois demandes lui ont été favorables et six défavorables, détaille-t-il pour mieux dénoncer le «zèle exceptionnel» de la justice à son égard.
Le 12 mars, lorsque le Parlement a levé une dernière fois son immunité, il s'est voulu fataliste: «Je n'aurai pas beaucoup de mains à serrer en partant».