Kirghizstan Législatives annulées: le Premier ministre démissionne
La Commission électorale du Kirghizstan a annoncé mardi avoir annulé les résultats des législatives de dimanche, entraînant le départ de chef du gouvernement Sooronbaï Jeenbekov.

L’élection de Sooronbaï Jeenbekov est vivement contestée dans le pays.
Le Kirghizstan a annulé mardi les résultats controversés de ses élections législatives après une nuit de violences post-électorales dans la capitale Bichkek qui ont provoqué la libération par la rue du grand rival du chef de l’Etat. Le Premier ministre Koubatbek Boronov a lui démissionné.
Le Premier ministre kirghiz Koubatbek Boronov était un soutien du président en place. Il a été remplacé par un homme politique libéré de prison la veille par des manifestants protestant contre les résultats des élections législatives, a annoncé le Parlement.
«Sadyr Japarov a été élu Premier ministre de la république kirghize. La décision a été prise lors d’une réunion extraordinaire» du Parlement, a annoncé le service de presse de l’assemblée. Il a été ajouté que la réunion avait eu lieu dans un hôtel à cause de la prise du siège de l’assemblée par les manifestants.
Extension des troubles
Dans l’après-midi et la soirée, les troubles semblaient s’étendre à d’autres régions alors que le président Soorenbaï Jeenbekov affirme toujours contrôler la situation. Le chef de l’Etat est toujours à Bichkek et a le «contrôle» du pays, a insisté la présidence kirghize.
Les résultats du scrutin ont été «invalidés», a annoncé la Commission électorale de cette ex-république soviétique d’Asie centrale. Ils étaient contestés par les manifestants de l’opposition ayant envahi dans la nuit le siège du gouvernement après des affrontements avec la police qui ont fait un mort et 686 blessés.
Menace supplémentaire pour le pouvoir, les contestataires ont libéré de prison Almazbek Atambaïev, ex-président incarcéré depuis un an et ancien allié devenu le principal adversaire de son successeur.
«Préoccupé»
Le Kremlin s’est dit «préoccupé» et a appelé les forces politiques kirghizes à «rester dans la constitutionnalité» pour trouver «rapidement une solution». M. Jeenbekov est proche de la Russie, tout comme l’était son prédécesseur.
Si la situation était plus calme mardi qu’elle ne l’était la nuit précédente dans la capitale, les protestataires gardaient cependant le contrôle du siège du gouvernement. Des fenêtres ont été brisées et des bureaux partiellement saccagés.
Des pillages ont également été signalés et de nombreux commerces ont gardé leurs portes closes. Selon des médias locaux, des troubles étaient aussi signalés en province, avec plusieurs mines d’or et de charbon, d’importantes sources de revenus pour l’Etat, passées sous le contrôle ou paralysées par des assaillants.
Un groupe d’hommes armés a notamment attaqué une grande mine d’or qui a dû suspendre ses activités, selon une porte-parole de l’entreprise Alliance Altyn. «Nos employés n’ont pas été blessés, Dieu merci ! Nous ne savons pas quand nous pourrons reprendre le travail», a dit à l’AFP Kassyïet Karatcholkova.
«Dieu merci !»
La base militaire russe au Kirghizstan a de son côté annoncé avoir renforcé sa sécurité.
Ces émeutes rappellent celles de 2005 et 2010 qui s’étaient muées en une révolution émaillée de pillages, chassant le pouvoir en place accusé de corruption et de dérive autoritaire.
Mardi, des hommes politiques de l’opposition, parmi lesquels un ex-Premier ministre et plusieurs dirigeants de partis, ont annoncé avoir formé un «conseil de coordination» en vue rétablir la stabilité et «le règne de la loi».
Les résultats controversés des législatives de dimanche, remportées par deux partis proches du chef de l’Etat, ont fait descendre des milliers de personnes dans les rues de Bichkek lundi.
Rétablir la stabilité
Des affrontements ont éclaté dans la soirée après que les forces antiémeutes ont voulu disperser les protestataires à l’aide de grenades assourdissantes, de gaz lacrymogène et de canons à eau. Les manifestants ont répliqué en jetant des pavés et d’autres projectiles.
Dans la capitale, la libération de l’ex-président Atambaïev a été suivie de celles de plusieurs autres personnalités politiques. M. Atambaïev était détenu dans la prison des services de sécurité après sa condamnation en juin à 11 ans de réclusion, au terme d’un procès considéré comme ayant résulté d’une lutte de pouvoir avec M. Jeenbekov.
L’ex-président de 64 ans était dans l’attente d’un autre procès pour organisation de troubles massifs et pour un meurtre lié à son interpellation en 2019 dans la violence qui avait déjà menacé de déstabiliser le pays. Adil Tourdoukov, un allié de M. Atambaïev, a assuré que la libération de l’ex-président s’était faite «sans violences».
Personnalités politiques libérées
Les manifestants réclament la démission de Sooronbaï Jeenbekov et de nouvelles élections. Celles de dimanche ont vu deux partis favorables au chef de l’Etat dominer le scrutin. La manifestation, calme à l’origine, avait eu lieu à l’initiative de plusieurs partis politiques qui n’étaient pas parvenus à atteindre les 7% des suffrages nécessaires pour entrer au Parlement.
Avant le vote, des soupçons d’achats considérables de voix pesaient sur ce scrutin. Le chef de la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) allée observer les élections, Thomas Boserup, avait jugé que ces «allégations crédibles» suscitaient «une sérieuse inquiétude».
Les autorités du Kirghizstan, un pays pauvre de l’Asie centrale ex-soviétique, ont été affaiblies par une série de scandales politico-financiers ces derniers mois.