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TendanceLe rap a chopé La Gale

Loin des biscotos plaqués or d'un 50 Cent, le 1er album de la Vaudoise redonne un bon goût de bitume au hip-hop. Bonne nouvelle, elle est loin d'être seule au front. Grrr!

Fred Valet
par
Fred Valet

Une heureuse épidémie. La Gale, petit bout de femme, veston de cuir et gouaille de fer. Equilibriste aussi. Un pied au Liban, son pays d'origine, l'autre en Occident. Lausanne en l'occurrence. Là où Karine Guignard a fait ses classes et limé ses rimes en français dans le texte pour son premier album. La Gale fait du rap. Mais n'allez pas lui parler des gros bras qui envahissent l'écran. Le sien baigne dans la moiteur punk et ne fait pas de quartier, ni de sociologie de comptoir. Sa musique graille sans vergogne et en toute logique sous les ongles rongés des rockeurs. De son label (celui de Honey For Petzi, dont le batteur Christian Pahud lui a composé la musique) aux scènes qu'elle fréquente (Le Romandie demain soir), jusqu'à ses premiers émois musicaux, entourée de guitares hurlantes. «Le rap me permet de mieux exprimer mes idées.» Surtout que sa musique a l'intelligence de briller à l'ombre des bijoux d'une certaine famille de rappeurs parfois moins géniaux que télégéniques.

Une relève au verbe abrasif

Et le hasard du calendrier fait que ce retour aux sources, bien qu'il ne soit pas nouveau, dévoile une poignée d'artistes à l'efficacité diabolique, aux beats cradingues et à la production ingénieuse. Dope D.O.D. par exemple. Sombre, rêche et s'inspirant largement du hardcore des années 1990, le rap des Hollandais ne fait pas dans la concession. Dernière prouesse en date, le clip du single «What happened», une perle visionnée par 6 millions d'internautes. Il y a aussi le flow rapide, dense, intraitable et savoureux de la jeune Américaine Azealia Banks. Cette petite furie qui affiche un pullover Mickey dans son clip «212» affole déjà les plates-formes de téléchargement avant même d'avoir sorti son premier album. «Ouais, je l'aime bien cette petite», lâche Karine. L'Angleterre n'est pas en reste puisqu'un autre Banks, Benny cette fois-ci, se place en digne héritier de The Streets avec un phrasé délicieusement british.

C'est sûr, en 2012, les ondes radios sont aux ordres d'une relève au verbe abrasif qui, pour le coup, parvient à toucher bien au-delà des visières vissées de traviole. «C'est une période de merde, une période charnière politiquement et socialement. Les gens ont peut-être besoin d'entendre des choses crues. Il y a de bonnes idées en ce moment. La forme est excitante, efficace, les artistes prennent des risques musicalement, mais j'attends surtout de savoir ce qu'ils ont vraiment à dire», explique Karine, soucieuse des messages véhiculés derrière le micro. On lui dit qu'on a l'impression que l'autocentrisme propre au milieu semble peu à peu s'ouvrir au monde. «Franchement, je ne sais pas. L'égocentrisme est toujours bien présent dans le rap. Reste à savoir ce qui se cache derrière ce fameux «je» aujourd'hui.» Et qu'est-ce qui fait grogner La Gale? «On ne se pose pas les bonnes questions en Suisse. Au lieu de pointer l'immigration, on devrait se demander pourquoi des peuples entiers se tirent de leur pays. Pourquoi une partie du monde a été appauvrie par une autre.»

Et que peut-elle bien penser du succès de Stress en Suisse? (Long silence) «Je crois qu'il fait des fringues maintenant, non? Honnêtement, je m'en tape.»

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