Coronavirus Le sosie du «médecin des pauvres» au Venezuela
Le sosie de José Gregorio Hernandez déambule dans Caracas avec son masque pour sensibiliser sur les gestes barrières.

Le vénézuélien Jesus Garcia, 34 ans, joue le rôle du docteur José Gregorio Hernandez lors d'une campagne de sensibilisation sur l'utilisation des masques faciaux et des mesures d'hygiène pour prévenir la contagion par le coronavirus, dans les rues de Caracas, le 29 avril 2021.
«C’est le saint! C’est le saint!», crie, entre hilarité, excitation et dévotion, une jeune femme voyant déambuler dans le marché de Chacao le «médecin des pauvres», José Gregorio Hernandez, qui doit être béatifié vendredi à Caracas près de 100 ans après sa mort. Il ne s’agit évidemment pas du vrai médecin des pauvres (1864-1919) mais de l’acteur Jesus Garcia, qui comme son illustre prédécesseur sillonne Caracas avec un masque sur la bouche pour lutter contre une pandémie. S’il ne soigne pas, comme à l’époque le défunt médecin, la grippe espagnole, Jesus Garcia participe à un projet de sensibilisation sur les gestes barrières contre le coronavirus.
Au Venezuela, José Gregorio Hernandez parfois surnommé JGH fait l’objet d’une réelle dévotion. Il s’est illustré en portant gratuitement secours aux plus humbles lors de l’épidémie de grippe espagnole qui a tué 1% de la population du pays au début du 20e siècle. Financé par le ministère de la Culture, l’opération «José Gregorio Hernandez met un pied dans Caracas» joue sur deux facettes: l’incroyable popularité du personnage souvent considéré comme un saint (pas encore par l’Eglise), mais aussi le fait qu’il était un médecin luttant contre une pandémie ayant fait des ravages au Venezuela. L’acteur Jesus Garcia a fait des mois de recherche, rencontré des gens qui l’ont connu, lu ses biographies, pour habiter le personnage et ne pas être un simple sosie.
«Dieu te bénisse»
Outre la moustache, le chapeau et la tenue impeccable emblématiques du défunt médecin, l’acteur, qui se prête à de longues séances de maquillage avant chaque sortie, a aussi adopté sa diction et ses poses. Quand il surgit, les regards se fixent instantanément sur lui. «Dieu te bénisse», crie un chauffeur de camion en le dépassant dans la rue. L’un lui raconte l’opération d’un proche, l’autre sa foi dans le personnage qu’il incarne. Un mélange étrange s’opère entre fascination dévote et goût du spectacle. «Même s’ils savent que c’est un acteur, certains pensent que ce personnage peut réaliser un miracle», explique le metteur en scène Romny Isturiz, à l’origine du projet.
Le pays de 30 millions d’habitants est confronté à une forte deuxième vague épidémique depuis mars. Il a enregistré au total plus de 2000 décès pour plus de 200’000 cas de Covid-19, selon les chiffres officiels, des statistiques jugées «fausses» par l’opposition alors que les hôpitaux sont débordés. Jesus Garcia joue son rôle à fond tout en déroulant son discours: «même si nous avons envie et la foi que les choses changent, il est important que nous fassions aussi quelque chose, que nous apportions notre grain de sable, que nous nous protégions nous et nos êtres aimés. Il faut maintenir les mesures de biosécurité».
Employée du marché, Caterina Macario se dit «émue d’avoir vu l’image vivante de José Gregorio Hernandez». «Je suis aussi émue qu’un jeune acteur ait la sensibilité de venir vers les Vénézuéliens au moment de la béatification pour démontrer qu’il était un homme d’amour, de santé, un homme préoccupé par le peuple vénézuélien», ajoute-t-elle.
«Que José Gregorio nous protège»
A l’intérieur du marché de Chacao, Jesus Garcia va de stand en stand discutant avec les clients et les commerçants qui l’écoutent avec respect. «C’est plus facile de diffuser un message de paix, d’amour et de prévention avec ce personnage de la culture vénézuélienne que tous les Vénézuéliens adorent. Avec cette affinité, ils sont plus réceptifs qu’avec un étranger, un agent de police ou un spot publicitaire à la télévision», explique-t-il.
Dans la rue, dans le quartier populaire de Cementerio, Jesus Garcia discute avec des passants, attirés par le costume noir et la silhouette. «La ressemblance est spectaculaire. C’est une bonne idée de faire de la prévention comme ça. Le meilleur vaccin c’est le masque», résume Waldemar Varela, commerçant de 72 ans. «José Gregorio Hernandez a combattu la grippe espagnole. C’était il y a 100 ans et nous sommes aujourd’hui confrontés à une pandémie» alors qu’on «le béatifie». «C’est un message de Dieu pour les Vénézuéliens. Que José Gregorio nous protège», lance-t-il.