Novateur: «Le sport est un vrai remède anticancer»

Publié

Novateur«Le sport est un vrai remède anticancer»

Le Dr Didier Jallut se bat pour que l'activité physique fasse partie intégrante des traitements contre les tumeurs du sein.

Pascale Bieri
par
Pascale Bieri
Dr Didier Jallut estime que les caisses maladie devraient prendre en considération l'activité physique des patientes pour remboursement.

Dr Didier Jallut estime que les caisses maladie devraient prendre en considération l'activité physique des patientes pour remboursement.

Jean-Guy Python

En ce mois d'octobre rose, les chiffres restent sombres. En Suisse, une femme sur 8 sera atteinte d'un cancer du sein au cours de sa vie. Et si aujourd'hui ce mal sournois, qui n'épargne pas les jeunes, se soigne de mieux en mieux, il tue encore 15% des patientes. Nouvelle petite lueur toutefois: aux côtés des traitements chimiques et chirurgicaux, il est possible d'influencer soi-même le cours de la maladie en faisant de l'activité physique. Une réalité encore méconnue, dont le Dr Didier Jallut, oncologue et directeur médical du Réseau lausannois du sein, a fait son cheval de bataille.

N'est-ce pas un peu exagéré de qualifier le sport de traitement contre le cancer du sein?

Absolument pas. Depuis deux ou trois ans, de nombreuses études ont démontré ce que l'on pressentait déjà, à savoir que l'activité physique diminue considérablement les effets secondaires lors des traitements, notamment en cas d'hormonothérapie de longue durée.

Cela permet donc d'améliorer la qualité de vie, mais cela n'influence pas la guérison?

Eh bien si, justement! Le sport n'agit pas qu'au niveau du bien-être, il permet clairement d'augmenter la survie globale et diminuer les rechutes. Grâce à l'activité physique, on peut changer le cours de la maladie et la longévité. Mais évidemment elle ne doit pas remplacer d'autres traitements. C'est complémentaire.

Comment peut-on expliquer de tels bienfaits?

C'est assez compliqué. Mais, en résumé, le sport diminue le taux d'œstrogène qui circule dans l'organisme, surtout après la ménopause. Il réduit également le taux d'insuline ainsi que les protéines de l'inflammation et des facteurs de croissance. Cet ensemble fait qu'il y a une amélioration au niveau de l'immunité.

Du coup, c'est étonnant qu'il n'y a pas davantage de médecins qui prennent ces données en compte?

Pour moi, c'est incompréhensible. Il est temps que l'activité physique fasse partie intégrante du traitement et qu'elle ne soit pas juste considérée comme un simple accompagnement. Nous devons absolument nous engager dans cette voie-là. Car si on augmente le taux de survie de 5 à 10 ans avec l'hormonothérapie, les bénéfices sont encore plus grands avec l'activité physique pour bien des patientes, surtout en cas de tumeur hormonosensible ou de surpoids.

Concrètement, il faudrait prescrire du sport aux patientes?

Plus que cela, il faut les encadrer, les prendre par la main et leur proposer des activités ludiques. Car si certaines trouvent par elles-mêmes la motivation de faire du sport, pour d'autres c'est beaucoup plus compliqué. Il faut lutter contre la fatigue, la douleur… Et, seules, elles en sont incapables. J'ai l'envie et le projet de mettre en place, avec notre Réseau, un groupe d'activité physique adaptée où ces femmes pourraient pratiquer aussi bien du Nordic walking que de l'aviron, du stand up paddle ou des exercices de gym amusants. Mais il faut aussi trouver des possibilités de remboursement, car aujourd'hui, les caisses maladie ne prennent pas en considération l'activité physique.

Le sport ne peut-il pas aussi être néfaste, notamment en cas d'épuisement. Ne faudrait-il alors pas mieux s'écouter?

Non, le sport est bénéfique en tous les cas. Il permet également d'évacuer la fatigue due aux traitements. Idéalement, il faudrait faire, en moyenne, trois quarts d'heures d'effort physique trois fois par semaine. Cela étant, il est important de ne culpabiliser personne.

Et qu'en est-il pour les autres cancers?

Pour treize d'entre eux, on a également pu démontrer les bienfaits du sport. Toutefois, les bénéfices ne s'observent qu'en cas d'activité physique si intense que cela dépasse les limites du raisonnable.

A titre préventif, le sport réduit-il également les risques d'être atteint d'un cancer du sein.

Oui, c'est bénéfique, avant, pendant et après… De même que faire attention à son poids, et, globalement, à son hygiène de vie.

Manifestations de soutien

Ton opinion