ProcèsLe superescroc n'est plus un «superpapa»
Un multirécidiviste qui était allé jusqu'à arnaquer sa fille passait hier devant ses juges à Lausanne. Belle occasion d'entrevoir l'étendue de son pouvoir de conviction.
- par
- Laurent Grabet

Le prévenu sort du tribunal de Montbenon - Lausanne
Hier, le Tribunal de Montbenon (VD) a été le théâtre de retrouvailles aussi particulières que peu chaleureuses. Celle d'Elodie* 24 ans et de son ex-«superpapa» Jean-Paul*, 69 ans. Le second était jugé car, en 2010, il avait pour la énième fois cédé à ses indomptables penchants d'escroc en subtilisant 32'800 fr. sur le compte bancaire de sa fille. Une initiative qui avait soldé la relation fusionnelle qu'entretenait jusque-là le duo.
Un arnaqueur de très haut niveau
Avant même d'entrer dans la salle d'audience, Elodie a soigneusement évité de croiser le regard de son père qu'elle n'avait pas revu depuis 3 ans. «Je préfère ne pas lui parler car il est capable de me convaincre qu'il a tout fait juste!» nous avait confié la jeune femme.
Voir agir et parler son incurable escroc récidiviste de papa, déjà maintes fois condamné, nous a permis de comprendre cette crainte. Et aussi d'entrevoir pourquoi tant de gens lui ont fait confiance à tort au fil de trois décennies d'entourloupes. L'homme avait notamment réussi à leur vendre des économiseurs de chauffage, des piscines, des soirées brésiliennes, des porte-skis ou des machines à frites révolutionnaires au final jamais livrées!
Physiquement, ce grand gaillard dégarni et très comme il faut inspire illico confiance. Et quand l'ex-commercial qu'il est ouvre la bouche, bien assis les jambes croisées, son faux air de père tranquille débonnaire, sûr de lui, et sa voix tout à tour posée ou un brin courroucée achèvent d'emporter le morceau.
«Je n'aurais jamais pu faire ça à ma fille qui sait que je l'aime et que je ferais tout pour elle. C'est une erreur de la banque», commence le prévenu. Puis les affirmations se succèdent. Presque aucune n'est étayée et la plupart sont contredites par l'enquête. Quand le procureur ou le président le lui signale, Jean-Paul lance avec aplomb quelques explications obscures, et continue sur sa lancée, imperturbable, semblant lui-même convaincu que les mensonges et demi-vérités qu'il aligne sont véridiques.
Autre affaire de téléachat
On en viendrait presque à croire que ce sont ses trois ex-associés – également sur le banc des plaignants pour une sombre affaire de «kit de désodorisation à base d'huiles essentielles jamais vendu sur une chaîne allemande de téléachat», jugée lors du même procès – qui lui ont volé des dizaines de milliers de francs, et pas l'inverse.