AFFAIRE MAËLYSLe suspect est-il un «serial killer»?
Le meurtrier présumé de la fillette du Jura français a-t-il aussi fait disparaître un jeune militaire à Chambéry? La justice est tombée sur des indices troublants.
- par
- Evelyne Emeri

Avant son incarcération, l'unique suspect vivait chez ses parents à Domessin (Savoie), à 5 km de Pont-de-Beauvoisin (disparition de Maëlys) et à 30 km de Chambéry (Arthur Noyer).
Depuis lundi, un même homme réunit deux familles. Le lien n'est pas affectif. Il est sordide. Jennifer et Joachim de Araujo (voir encadré) ont perdu toute trace de leur petite Maëlys, 8 ans, lors d'un mariage en Isère, dans la nuit du 26 au 27 août. Cécile et Didier Noyer de Bourges (Cher) n'ont plus de nouvelles d'Arthur, leur fils de 24 ans, volatilisé au soir du 12 avril à Chambéry (Savoie), non loin de la caserne de Barby où il était incorporé dans le 13e bataillon des chasseurs alpins. Il festoyait avec ses frères d'armes. Et sera vu pour la dernière fois en train de faire du stop.
Cet individu, qui torture désormais deux couples de parents, une sœur aînée pour Maëlys, un frère cadet pour Arthur Noyer, et tous leurs proches, n'est autre que N. L.: le Savoyard fortement soupçonné d'avoir tué la fillette. Face à des preuves implacables (ADN dans sa voiture, vidéosurveillance, bornages téléphoniques, changement de vêtements, témoignages), l'ancien maître-chien de 34 ans maintient ses dénégations avec fermeté. Pire, il laisse les enquêteurs sans le début d'une trace qui permettrait de la localiser. «Cette affaire ne sera jamais résolue tant que le corps ne sera pas retrouvé», communiquait le procureur de Grenoble, Jean-Yves Coquillat, le 30 novembre. Ce soir-là, avec ces mots, le message de la justice est net: Maëlys n'est plus en vie.

La petite Maëlys et le jeune militaire Arthur Noyer: deux disparitions inexpliquées, un même suspect
Dans l'affaire du caporal Arthur Noyer, les similitudes sont plus que troublantes. Le militaire s'est évaporé, tout comme l'enfant, pour une raison inexpliquée. Aussi en pleine nuit, aussi lors d'une soirée festive. Unique différence: le jeune homme aurait pu disparaître de manière volontaire. Ses parents n'y ont jamais cru. Ils s'accrochent à une autre thèse. Leur fils, qu'ils disent «bien dans ses baskets», aurait été renversé ou accidenté sur le chemin du retour à la caserne, le fautif s'en serait ensuite débarrassé par peur de la sentence. Depuis huit mois, la famille d'Arthur, ses amis et ses connaissances ont multiplié les actions pour tenter de donner des coups d'accélérateur à l'instruction ouverte pour enlèvement et séquestration. Lundi, leur vie a basculé, encore un peu plus. Jusque-là, la famille Noyer savait qui était N. L.: l'agresseur présumé de la fillette dont la France entière parle.
Recoupement par «cold case»
Les sites des journaux et les réseaux sociaux crépitent. Et leur apprennent que le prévenu dans l'affaire Maëlys a été extrait de sa cellule de Saint-Quentin-Fallavier, près de Lyon, pour être entendu par la Section de recherches de Chambéry. Mais surtout pour être auditionné au sujet de leur propre fils. Personne ne les a prévenus.
Le rapprochement entre les deux dossiers a été fait par les magistrats et les gendarmes de Grenoble. Ceux-ci planchaient sur un éventuel lien entre Maëlys et d'autres disparitions non élucidées dans un secteur élargi. Le recoupement marche. Les téléphones de N. L. et du militaire ont borné à plusieurs endroits, au même moment, cette triste nuit d'avril. Autre élément et non des moindres, les supports informatiques du gardé à vue, saisis à son domicile lors de précédentes perquisitions, révèlent qu'il a googlisé «Comment faire disparaître un corps?» ce printemps déjà.
Ce sont ces recherches glaçantes du prisonnier, assorties de la géolocalisation concordante des deux portables, qui boostent actuellement les limiers. La présence ou non à Chambéry de son Audi noire, qui l'avait confondu pour Maëlys, est également étudiée de très près. Le parquet a annoncé qu'il s'exprimerait aujourd'hui.