SévicesLe terrifiant bestiaire des SPA
Le caniche jeté vivant dans une benne à ordures de Belmont (VD) n'est de loin pas un cas isolé. Plongée dans le registre des mauvais traitements de la SVPA.
- par
- Benjamin Pillard

Michel Christin, trente-deux ans de service (à dr.),et Cédric Berner veillent à faire respecter la loi sur les animaux dans le canton de Vaud.
«Les cas de mauvais traitement sont fréquents, et parfois plus graves que le caniche jeté vivant dans la benne à ordures de Belmont-sur-Lausanne!» se désole Michel Christin, inspecteur principal à la Société vaudoise pour la protection des animaux (SVPA), dont le travail consiste à faire respecter la loi fédérale sur la protection des animaux (LPA). L'association a accepté de nous ouvrir ses archives liées aux affaires de maltraitance. Âmes sensibles s'abstenir.
Une ferme en pierre aux fenêtres sans vitres, les portes barricadées. A l'intérieur, des pièces à l'abandon, recouvertes d'un amas de détritus, de boue et d'excréments.
Une quarantaine de petits bouviers appenzellois ont investi les lieux. Malades, mal nourris, à tel point que certains se nourrissaient des cadavres des autres. C'est le fameux dossier de la «sorcière des Monts-de-Pully», une quinquagénaire endettée qui avait volontairement laissé la situation dégénérer en espérant décourager les nouveaux propriétaires de sa maison. Expulsée en 1998 après quinze mois de combat, la résistante avait été internée en psychiatrie et la plupart de ses chiens euthanasiés, après avoir été capturés au lasso par les inspecteurs de la SVPA.
Autre affaire qui avait défrayé la chronique, en 1986, dans une villa de l'Ouest lausannois: celle de ce jeune couple qui vivait avec leurs trois enfants en bas âge au milieu de… 286 bêtes. Des chats, des hamsters, des lapins, mais aussi des pigeons, des poules, des oies, des canards ou des dindons. Sans oublier la grand-mère invalide séquestrée depuis des mois. C'était la deuxième grosse intervention de Michel Christin. Ironie de l'histoire: la SVPA est intervenue auprès du même propriétaire l'an dernier. En vingt-six ans, l'homme avait accumulé pas moins de 170 oiseaux exotiques.
Il y a aussi le cas de ce couple âgé qui, pendant de nombreuses années, avait un porc domestiqué au milieu d'une multitude d'animaux de basse-cour et de rongeurs. «Le cochon avait son lit à côté de celui de madame, et monsieur dormait dans une autre pièce», se souvient Michel Christin. Mais l'animal était mal nourri: beaucoup trop gras. «L'obésité, c'est un mauvais traitement.»
S'il arrive que de véritables instruments de torture soient retrouvés sur l'animal, tels des colliers électriques ou à pointes, les mauvais traitements découlent davantage de négligences que d'une réelle volonté de nuire. Un grand nombre de cas de maltraitance concernent en effet des propriétaires atteints du syndrome de Diogène, ce trouble du comportement qui condamne l'individu à s'isoler dans un environnement insalubre. Des gens en détresse sociale, le plus souvent assistés, seuls et alcooliques. «On touche les bas-fonds de la société, reprend l'inspecteur principal. La jurisprudence prévoit un maximum de deux chiens par habitation, quatre en zone agricole. Mais rien ne bouge sans dénonciation, et les procédures prennent des années.»
Les dénonciations auprès du vétérinaire cantonal peuvent aboutir à une interdiction de détention d'animaux pour le propriétaire négligent. Une décision administrative est souvent assortie d'une condamnation pénale, pouvant aller jusqu'à 20 000 francs d'amende. Dans la pratique, celles-ci dépassent rarement 500 francs. «La plupart du temps, ce sont des gens qui n'ont même pas les moyens de régler une amende de 50 francs», souligne Cédric Berner, également inspecteur à la SVPA. Et c'est donc le contribuable qui finit par payer.