BisbillesLe voyage en Erythrée lui coûte sa place
Yvonne Feri a annoncé jeudi qu'elle quittait la présidence des Femmes socialistes. Avec les remerciements des camarades. En apparence, seulement.
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- Fabian Muhieddine / Le Matin Dimanche

Yvonne Feri quitte la présidence des Femmes socialistes.
Le communiqué du PS suisse et des Femmes socialistes parle de «remerciements» et de «regrets». C'est ainsi qu'était annoncée, jeudi soir, la démission d'Yvonne Feri de la présidence de la section femmes. La conseillère nationale argovienne y explique que de «nouvelles activités», notamment un nouveau poste à la commission du National pour la santé, l'oblige à renoncer à cette présidence. Voilà pour la version officielle.
Pourtant, selon nos informations, cette démission ne s'est pas réellement passée sous les meilleurs auspices. En fait, Yvonne Feri devait annoncer la nouvelle en grande pompe le 20 février prochain lors de l'assemblée extraordinaire des Femmes socialistes, un rendez-vous des plus courus par les membres puisqu'il porte sur l'avenir du féminisme et les structures de la présidence de la section. Mais tout a été précipité après l'annonce du voyage d'Yvonne Feri en Erythrée.
La conseillère nationale est effectivement partie samedi dernier pour Asmara, la capitale. Elle est accompagnée de Thomas Aeschi (UDC/ZG), Claude Béglé (PDC/VD) et de la conseillère d'Etat argovienne Suzanne Hochuli (Verte). But du voyage? Visiter le pays d'où provient une majorité des requérants d'asile en Suisse. Reste que l'excursion est organisée par Toni Locher, un Argovien qui a le titre de consul honoraire d'Erythrée, un proche du régime érythréen. La participation de la présidente des Femmes socialistes à ce voyage a été vertement critiquée toute la semaine par les ténors de la gauche, y compris Cesla Amarelle (PS/VD), vice-présidente de la section Femmes. Tous dénoncent une «propagande orchestrée par une dictature».
En coulisses, selon plusieurs sources, les Femmes socialistes et le PS ont exigé que l'annonce de la démission soit avancée. Et surtout qu'elle ait lieu avant le départ pour l'Erythrée. La seule concession accordée à Yvonne Feri aurait été de lancer le communiqué jeudi soir pour qu'elle puisse s'exprimer vendredi sur sa démission. Contactés, les camarades parlent de la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. Selon plusieurs membres du PS, le voyage en Erythrée vient s'ajouter à une longue liste de reproches. Et de citer notamment les déclarations d'Yvonne Feri après les agressions sexuelles de Nouvel-An à Cologne. La présidente avait alors demandé que l'armée protège les femmes sur les places publiques. Cette prise de position d'une féministe, membre d'un parti à forte tendance antimilitariste, avait soulevé la polémique et l'ire des Jeunesses socialistes. Autre épisode qui a énervé dans les rangs de la gauche: une réprimande sur les réseaux sociaux d'Yvonne Feri à sa fille, pourtant adulte, au sujet d'une tenue vestimentaire jugée trop légère par la maman. Un événement largement médiatisé par la presse alémanique.
Les camarades soupçonnent surtout la présidente de se rendre en Erythrée avec un agenda caché. L'accusation d'utiliser la présidence comme tremplin pour une candidature au Conseil d'Etat argovien est à peine voilée. Et, depuis l'annonce de la démission, les critiques pourraient devenir encore plus cinglantes. Jointe hier, Yvonne Feri assure qu'il n'y a aucun lien entre le voyage et l'annonce de sa démission: «Ce sont deux choses différentes. J'ai pris la décision de démissionner il y a plusieurs mois. Nous allons changer nos structures et il y a une proposition pour une coprésidence qui ne m'intéresse pas.» Officiellement, les Femmes socialistes devront nommer le 20 février une présidente ad interim. Dans les faits, Cesla Amarelle devrait rapidement occuper cette fonction.