TennisLeonie Küng: «Je ne supporte pas la défaite»
Finaliste du tournoi de Hua Hin (Thaïlande) mi-février, la Schaffhousoise de 19 ans est la révélation du tennis féminin suisse. Elle se confie.
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- Sport-Center

Leonie Küng lors du tournoi de Gstaad, en juillet 2018.
Ces dernières semaines, elle était impossible à joindre. Une manière de se protéger après son incroyable parcours à Hua Hin? Mi-février, en Thaïlande, Leonie Küng a atteint la finale pour son deuxième tournoi sur le circuit WTA. Avant de chuter logiquement face à la Polonaise Magda Linette, la Schaffhousoise de 19 ans, issue des qualifications, a écarté pas moins de trois joueuses du top 100: Lin Zhu, Qiang Wang et Nao Hibino.
Depuis cette performance qui l'a révélée chez les professionnels et fait passer du 283e au 155e rang mondial, elle ne s'est pas exprimée publiquement. Mais son mutisme s'explique surtout par son calendrier dantesque: après Hua Hin, elle a enchaîné trois tournois en Australie, certes mineurs, en l'espace de trois semaines. Depuis, le Covid-19 est passé par là, entraînant l'arrêt des compétitions, et voilà désormais Leonie Küng posée. Confinée avec sa famille, la finaliste de Wimbledon juniors en 2018 est revenue sur son début d'année de rêve, sur son profil de jeu et sur l'équipe de Fed Cup.
Deux mois après votre finale à Hua Hin, que retenez-vous de ce tournoi?
Je pense à tellement de choses… C'était incroyable, le meilleur sentiment de ma vie. C'était énorme de battre trois joueuses du top 100 mondial dans le même tournoi. Cela a été une belle expérience, j'ai adoré joué là-bas. J'aime bien revoir les gros matches, les points importants. Cela m'aide à rester motivée, à continuer de travailler.
Qu'avez-vous ressenti après votre victoire contre Lin Zhu, votre première contre une joueuse du top 100 mondial?
Je me sentais très calme sur le court mais une fois que j'ai gagné, j'ai réalisé ce que j'avais accompli, que c'était quelque chose de fou.
Avez-vous une explication rationnelle à votre parcours ou était-ce simplement une question de dynamique et de confiance?
Ce n'était pas un accident. Pour jouer aussi bien, j'ai dû beaucoup travailler. J'ai énormément bossé ma condition physique et mon tennis chaque jour. Je suis arrivée en Thaïlande avec de la confiance, je me sentais bien et comme cela s'est bien passé, j'étais sur une bonne dynamique.
Comment avez-vous géré la charge d'émotions qu'engendrait chacun de vos succès?
Je me focalisais sur mon prochain adversaire et mon jeu. Je ressentais beaucoup d'émotions mais je pouvais compter sur des gens autour de moi qui m'aidaient à rester concentrée. Tout ce que je voulais, c'était gagner le prochain match, peu importe qui il y avait en face. Je joue toujours pour gagner. Je ne reste jamais satisfaite avec ce que j'ai, j'en veux toujours plus. Ce qui me rend forte sur le court, c'est que je me bats sur chaque point et que je veux toujours m'améliorer.
Pensez-vous que votre statut a évolué après Hua Hin?
On a beaucoup parlé de moi dans les médias, mon nombre d'abonnés sur Instagram s'est multiplié. Quand je sors, les gens me regardent et me reconnaissent. C'est une sensation spéciale mais j'en profite. Je pense aussi que les attentes ont grandi. Mais j'ai déjà vécu cela après Wimbledon en 2018, donc je sais comment réagir face à cette situation. J'essaye de garder les pieds sur terre et de rester humble.
Cela a-t-il également impacté votre exigence en vous et votre manière de vous préparer?
Maintenant, je sais que je peux battre de très bonnes joueuses et j'ai gagné en confiance. Mais je ne veux pas me mettre plus de pression et me dire: «Tu dois battre toutes les joueuses du top 100.» Je sais juste que j'ai la capacité de les battre et c'est vraiment agréable à savoir. Désormais, à moi de continuer à progresser.
Comment décrieriez-vous vos qualités et votre style de jeu?
Je suis assez complète. J'adore jouer en revers mais aussi mettre la pression sur mon adversaire. Être agressive, surprendre en faisant par exemple des slices, des amorties... En fait, j'aime jouer presque tous les styles.
En mars 2019, vous vous présentiez aussi comme une joueuse avec de la volonté, qui possède une faculté à apprendre par soi-même et à se motiver seule. Un an plus tard, ce trait de caractère est-il encore d'actualité?
Oui et cela m'aide en cette période de confinement. En restant chez nous, on peut ne rien faire. Or, je suis quelqu'un qui s'impose une discipline. Par exemple, j'ai commencé le piano il y a deux semaines. Ma vie entière est comme ça. C'est le cas notamment en ce qui concerne la préparation physique. J'aime travailler dur.
À l'inverse, quels sont les points où vous estimez devoir progresser?
Rester positive et calme. Je voudrais que tout soit parfait, mais la perfection n'existe pas. Parfois, je suis très négative avec moi-même et je me rabaisse. Je dois être plus relaxée et ne pas me laisser envahir par de mauvaises émotions.
Vous êtes également très compétitive, au point de pleurer après certaines défaites…
Je pleure après chaque match que je perds (sourire). Je vais dans le vestiaire, je vais prendre ma douche et je pleure. Je ne supporte pas la défaite.
Avant l'arrêt des compétitions, vous étiez attendue aux qualifications pour Roland-Garros. En quelque sorte, vous touchez du doigt le très haut niveau. Qu'attendez-vous lors des prochains mois?
J'espère pouvoir rejouer des tournois rapidement. En termes de classement, entrer dans le top 100 serait incroyable, c'est un objectif majeur maintenant.
L'équipe de Suisse, est-ce un rêve pour vous?
Bien sûr. J'aime la Suisse et j'aimerais vraiment jouer pour mon pays. Pour l'instant, nous avons de très bonnes joueuses: Bencic, Bacsinszky, Vögele, Teichmann… Elles méritent d'y être et restent meilleures que moi.
Avez-vous eu des discussions avec les dirigeants de Swiss Tennis à propos d'un éventuel avenir avec l'équipe de Fed Cup?
Nous avons discuté récemment, ils étaient heureux de mes résultats ces derniers mois et veulent que je poursuive ma progression. Mais nous n'avons pas encore parlé de la Fed Cup. Je n'étais dans aucune discussion ou sélection il y a peu.
Propos recueillis par Brice Cheneval