VapotageLes e-cigarettes ne seront pas taxées
Le Conseil fédéral confirme son feu vert à la nicotine liquide. Mais une décision du Parlement empêche toute taxe.
- par
- Ludovic Rocchi

Les vapoteurs respirent: les flacons de nicotine ne subiront pas (pour l'instant en tout cas) l'impôt sur le tabac.
C'est fait. Hier, le ministre de la Santé Alain Berset a mis en consultation la nouvelle loi sur les produits du tabac. Comme l'a révélé «Le Matin» la semaine dernière, ce projet prévoit d'autoriser la vente en Suisse des flacons de nicotine pour les vaporettes. En contrepartie, les cigarettes électroniques seront traitées comme les autres (pub restreinte, interdiction de vente au moins de 18 ans et interdiction de vapoter dans les établissements publics). Seule différence, de taille: les flacons de nicotine ne seront pas soumis à l'impôt sur le tabac.
De quoi réjouir les vapoteurs et les cigarettiers qui se lancent à fond dans ce nouveau marché. Mais de quoi fâcher les milieux de la prévention du tabagisme, estimant que la jeunesse doit être protégée de l'addiction à la nicotine et des éventuels méfaits du vapotage encore mal connus scientifiquement.
Alors comment le ministre de la Santé justifie-t-il ce choix de ne pas taxer les e-cigarettes? Il n'en dit en fait rien, car ce n'est pas son choix! Hier, Alain Berset s'est contenté de préciser que c'est le Parlement qui a décidé en 2011 d'exempter les cigarettes électroniques de l'impôt sur le tabac (54% du prix d'un paquet classique). A l'Office fédéral de la santé publique, on ne cache pas que cette exemption pose problème en regard de l'évolution du marché. Mais il serait malvenu de vouloir corriger une décision aussi récente du Parlement.
Discutable en termes de prévention sanitaire, l'exemption va aussi poser un problème de financement des assurances sociales. Pour l'heure, l'impôt sur le tabac rapporte encore plus de deux milliards de francs par an aux caisses de l'AVS et de l'AI. Sachant que les e-cigarettes sont en plein boom – certains analystes prédisent que la moitié du marché mondial va basculer du côté électronique – le trou dans les assurances sociales pourrait donc dépasser le milliard de francs.
Décision prise à la légère
Cet enjeu financier semble avoir complètement échappé à la large majorité des Chambres fédérales qui a voté l'exemption en 2011, contre l'avis du Conseil fédéral. Tout est parti de la motion d'un sénateur, Roberto Zanetti. Soutenue par quelques collègues fumeurs comme lui, sa motion exigeait de défiscaliser les vaporettes au nom de la «logique» de la politique de prévention. «Tout est parti de manière un peu anecdotique en discutant avec un ami qui tentait d'arrêter de fumer en passant à la vaporette, raconte Claudio Zanetti. Ses flacons de parfum sans nicotine étaient taxés. J'ai trouvé qu'il fallait faire un geste envers ceux qui tentent d'arrêter de fumer».
Voilà comment le coup est parti. Le problème, c'est que la motion qui a fini par faire un tabac devant les deux conseils du Parlement fédéral exige une exemption générale des cigarettes électroniques, sans préciser avec ou sans nicotine. Il est donc piquant qu'une motion soutenue à l'origine par des socialistes devienne aujourd'hui un éventuel problème pour les assurances sociales.
La sénatrice Géraldine Savary (PS/VD) fait partie de ceux qui ont allumé la mèche. Elle avoue que c'était une erreur: «L'évolution du marché nous a rattrapés. Il faudrait au moins taxer les vaporettes avec nicotine.» Pour l'heure, rien n'est prévu. Dans les volutes de la vapote, Berne avance décidément à tâtons!