Session du ParlementLes États acceptent l’idée d’interner les meurtriers mineurs
Emmenés par la droite, les sénateurs ont approuvé, contre l’avis de leur commission, une révision de la loi qui permettra d’interner les assassins mineurs. Le National devra se prononcer.
- par
- Christine Talos

Les criminels pourront être internés dès 16 ans, propose le Conseil fédéral.
Il faut pouvoir interner les délinquants meurtriers mineurs de plus de 16 ans en cas de danger existant pour des tiers à la sortie d’un placement en milieu fermé à la majorité. Contre l’avis de sa commission qui refusait d’entrer en matière, le Conseil des États a suivi une minorité de droite et accepté par 22 voix contre 17 de discuter ce durcissement voulu par le Conseil fédéral afin d’améliorer la sécurité de l’exécution des peines.
La révision proposée faisait suite à une intervention du sénateur Andrea Caroni (PLR/AR) en 2016. Cette année-là, le meurtre d’une ado de 17 ans par un jeune de 16 ans avait eu lieu au Tessin. L’ado avait été placé dans une clinique à des «fins d’assistance» d’où il s’était évadé. Et s’il avait pu le faire, c’est parce que la loi ne permet pas d’interner de façon stricte un adulte qui a commis un crime alors qu’il était mineur. Le sénateur voulait donc corriger cette lacune.
Loi inapplicable
La commission a longuement expliqué que la loi actuelle était suffisante et que la révision était désapprouvée par les experts. En outre, elle est «inapplicable» en raison de la difficulté à évaluer la dangerosité et le risque de récidive chez les ados dans la mesure où le cerveau des jeunes continue de se développer jusqu’à 23-24 ans, a expliqué Lisa Mazzone (Verts/GE) au nom de la commission. Carlo Sommaruga (PS/GE) a avoué craindre pour sa part que les juges renoncent à condamner des jeunes pour assassinat afin d’éviter le couperet de l'internement.
Ce projet porte aussi «atteinte au principe du droit pénal des mineurs qui est d’éduquer et de protéger pour resocialiser et faire sortir les jeunes criminels de la voie de la délinquance, tandis que le droit pénal des adultes punit lui pour assurer la paix publique», a ajouté Lisa Mazzone. Elle a aussi relevé que les cas étaient très rares, soit 12 assassinats par des mineurs au cours de ces 10 dernières années. «S'il n'y a pas de nécessité de faire une loi, il y a une nécessité de ne pas la faire», a-t-elle conclu.
«À un moment donné, la personne a 25 ans»
«Les cas sont rares, heureusement, mais il y en a un par année», a contré Andrea Caroni. Le sénateur a rappelé que les jeunes meurtriers étaient de toute manière soumis à toutes les mesures prévues par le droit pénal des mineurs. «Mais à un moment donné, la personne a 25 ans. Ce n’est qu’à ce moment-là que nous vérifions si, malgré tous nos efforts entre 17 et 25 ans, cette personne est encore dangereuse. Et si c’est le cas, nous ne pouvons évidemment plus utiliser les instruments de protection de la jeunesse jusqu’à la fin des temps», a-t-il plaidé.
En outre, ces possibilités d’internement seraient incitatives, selon lui. «Que conclut le jeune meurtrier aujourd’hui? Qu’il sortira de prison de toute façon à 25 ans, car c’est la loi, a-t-il argumenté. Avec la révision, il devra faire des efforts pour s’intégrer sinon la détention pourrait durer plus longtemps que prévu», a-t-il ajouté. Le droit pénal des mineurs ne prévoit aucune mesure purement sécuritaire pour protéger les tiers, a également confirmé la ministre de la Justice, Élisabeth Baume-Schneider.
Le projet retourne en commission pour l’examen du détail de la loi.
Sortie des délinquants sous haute sécurité
Un autre volet de la révision n’était pas contesté. Il prévoit que les délinquants internés ou purgeant une peine dans un milieu fermé pourront sortir uniquement s’ils sont accompagnés par du personnel spécialement formé. Un accompagnement thérapeutique comme dans le cas de la sociothérapeute Adeline M. tuée à Genève lors d’une sortie en septembre 2013 par Fabrice A. un violeur condamné, ne suffira plus.