AnimauxLes folles astuces des trafiquants
Quand ils ne volent pas des singes dans des zoos, les contrebandiers d'espèces menacées rivalisent d'ingéniosité pour passer les douanes. Des milliards sont en jeu.
- par
- Renaud Michiels
L'opération avait été soigneusement «planifiée», selon la gendarmerie. Le week-end dernier, en pleine nuit, des malfrats ont fait une brèche dans un grillage protégeant le Zoo de Beauval (Loir-et-Cher). Posé un cache sur une caméra de surveillance. Fracturé des enclos. Et filé avec leur butin: deux tortues et 17 petits singes rarissimes, des tamarins lions dorés et ouistitis argentés. Estimation de ce vol: 200'000 euros.
Dans du plâtre médical
Hors norme? En Europe, oui. L'Association européenne des zoos et des aquariums représente environ un tiers des parcs zoologiques du continent. Elle a répertorié 64 animaux dérobés depuis décembre 2013. «On sait que certains de nos pensionnaires – surtout des singes rares ou des oiseaux exotiques – ont une valeur marchande. Mais je n'ai jamais entendu parler de vols en Suisse», note Roland Bulliard, directeur du Zoo de Servion.
Reste que le trafic d'espèces sauvages menacées ou de produits tirés de ces animaux ne cesse de défrayer la chronique. Avec des contrebandiers faisant régulièrement preuve d'audace, d'ingéniosité voire d'une incroyable créativité.
La semaine dernière, l'association française de protection de l'environnement Robin des Bois faisait le point en la matière. Depuis le début de l'année, on a vu des cornes de rhinocéros planquées «à l'intérieur de statuettes de Bouddha». Des pangolins déclarés comme «matériel téléphonique à réparer.» Ou des hippocampes «dans des sacs neufs de plâtre médical».
Et il n'est pas si étonnant que les contrebandiers se montrent astucieux et déterminés. Car il y a de l'argent à se faire. Beaucoup d'argent. Selon Interpol, le trafic de faune et de flore interdites pèse plus de 150 milliards de dollars par an. Et celui d'animaux menacés est estimé entre 7 et 23 milliards. Ce serait le quatrième, derrière les trafics de drogues, d'armes et de contrefaçons. «C'est une spirale infernale. Moins il reste d'animaux, plus ils sont braconnés parce que le prix augmente avec la raréfaction», peste Jacky Bonnemains, président de Robin des Bois dans Le Parisien.
Concrètement, on parle de trafic de viande. De privés qui ont la lubie de détenir des animaux rares: poissons, oiseaux, singes, reptiles. De l'éternel trafic d'ivoire, avec 22'000 à 25'000 éléphants tués chaque année en Afrique.
La Suisse n'est pas épargnée. L'Office vétérinaire fédéral n'a pas de données détaillées en la matière. Mais des animaux sont régulièrement dénichés par les douanes. Et des trafics parfois démantelés: contrebande d'œufs de perroquets fin 2013, châles en laine d'antilopes du Tibet saisis l'an passé, contrebande de viande de brousse.
50 000 francs le kilo
Mais le cœur du trafic international est dirigé vers l'Asie, où de nombreuses espèces sont consommées pour leurs supposées vertus thérapeutiques ou aphrodisiaques. On y vend des hippocampes, des moustaches de tigre, des vessies natatoires de certains poissons. Et surtout les attributs de deux des espèces les plus menacées du moment: la corne de rhinocéros et les écailles de pangolin. Au marché noir, le petit mammifère vaudrait jusqu'à près de 1000 francs pièce. Et la corne plus de 50'000 francs le kilo! De quoi malheureusement continuer à rendre créatifs les criminels de l'environnement.