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boxeLes galères d'un boxeur gabonais, ex-sans papiers en quête de gloire (PORTRAIT)

Par Patrick FORT Libreville, 30 jan 2015 (AFP) - Des mapanes, les quartiers pauvres des villes africaines, à la savane, de videur de boîte de nuit à travailleur sans papier en France, le boxeur gabonais Taylor Mabika, aujourd'hui entraîneur du club de Cormeilles-en-Parisis (banlieue parisienne), s'est forgé une carrière dans l'ombre mais entrevoit la lumière.

"Le combat du siècle": c'est ainsi que la fédération gabonaise a pompeusement baptisé ce Championnat lourds-légers de la fédération marginale IBU entre Mabika et l'Américain Tyler Seever samedi à Libreville. On est loin des millions de dollars du "Rumble in the Jungle" entre Ali et Foreman à Kinshasa (1974), mais les organisateurs ont vu grand avec un combat au stade de l'Amitié, qui a accueilli la finale de la CAN-2012. Pour en arriver là, le boxeur gabonais a pris des coups sur le ring et dans la vie, vivotant pendant des années. Fils de cultivateurs au sein d'une famille de onze enfants, il a été élevé dans le Nord du Gabon à Bitam puis à Kinguele, "un des quartiers réputés chauds de Libreville comme il en existe partout dans le monde en Afrique, en France ou aux Etats-Unis", raconte-t-il sans en rajouter: "C'était une famille modeste mais on n'a jamais manqué de quoi manger". Il commence par le kick-boxing et le karaté avant de passer au noble art pour conquérir un premier titre national à 18 ans. Amateur au sens propre, le boxeur, qui a abandonné les études en 3e, vit de petits métiers. Il est ainsi guide touristique dans le parc national de Loango pendant deux ans. "J'ai adoré cette période, je faisais mes footing dans la savane, j'étais dans la nature, c'est mon élément", se souvient-il. Mais il affronte ensuite la jungle urbaine en devenant videur de boîte de nuit. "J'ai rencontré ce que rencontrent les videurs, résume-t-il avec calme. Les problèmes ne manquent pas. Il ne faut pas tomber dans les pièges. Mais ce n'était pas l'idéal. Tu travailles de 22h à 6h du matin, tu t'entraînes le jour, pour la récupération, c'est pas ça!". Sur le plan sportif, après une victoire au tournoi qualificatif au Botswana (5 combats, 5 victoires), il décroche le Graal avec la participation aux jeux Olympiques 2004 à Athènes au sein d'une délégation maigrichonne (5 athlètes tous sports confondus). Il est éliminé dès le premier tour par un boxeur grec. Mabika poursuit sa carrière jusqu'au Championnat du monde 2007 à Chicago avant de s'installer en France. "L'amateurisme a pris la moitié de ma carrière et après quand on arrive en Europe, il faut attendre un an ou deux pour avoir des papiers. Sans papiers, tu n'es rien. Tu ne peux pas faire de scanner ou de prise de sang à l'hôpital", explique-t-il. Il travaille alors au noir dans un salon de coiffure africain à Paris. "Je ne voulais pas faire videur à nouveau" pour pouvoir mieux s'entraîner, explique-t-il. Grâce à son travail à Cormeilles-en-Parisis, il accomplit alors une carrière pro honorable qui le mène en Pologne, en Allemagne et au Luxembourg pour un bilan de 14 combats (12 victoires -6 KO- et deux défaites). Sa carrière a pris une ampleur différente depuis que les autorités gabonaises se sont investies. Il a pu disputer deux combats au pays, s'emparant du titre continental. S'il décroche la ceinture IBU, il devrait avoir une chance en WBC, une des quatre grandes fédérations. Au Gabon, quelque 5.000 personnes sont attendues autour du ring samedi. Ils entonneront derrière lui une chanson écrite en son honneur en argot des mapanes: "Taylor va te boler (taper), Taylor va te Vimba (faire mal), Taylor va te Die (anglais mourir) Ahahah!". pgf/pr/chc

(AFP)

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