EcolesLes jeux dangereux pullulent
Après le jeu du foulard ou le happy slapping, voilà le jeu du piment. Les réseaux sociaux accélèrent la diffusion de ces défis.
- par
- Renaud Michiels
«Attention danger!» «Nouveau danger à l'école.» «Alerte au jeu du piment.» Depuis dix jours, les articles sur un nouveau défi touchant les ados et préados s'accumulent dans les médias français. Cette déferlante a été engendrée par une publication sur Facebook de la gendarmerie du Pas-de-Calais, le 15 novembre. «Des élèves se présentent au collège avec des piments qu'ils ouvrent et qu'ils projettent dans les yeux et/ou dans la bouche d'autres camarades. D'autres s'écrasent volontairement le piment sur la peau provoquant d'importantes brûlures.»
Plus de 35 défis dénombrés
D'autres corps de police ont relayé cet avertissement. Jusqu'à la gendarmerie nationale, avec un tweet inquiétant: «Au collège, le jeu du piment a déjà fait plusieurs victimes, grièvement brûlées». Étrange emballement? Pour l'instant, à en croire Le Nouvel Observateur, on ne dénombrerait que trois cas, dans l'Aube. Dont deux collégiens pris en charge car ils «se seraient eux-mêmes écrasé le piment sur les joues». Difficile de savoir si ce «jeu» va vraiment s'étendre. Mais la nouveauté, moins d'un mois après que la presse hexagonale ne s'inquiète d'inconscients montant sur le toit de métros en marche, soulève des questions. On a craint le jeu du foulard, celui de la baleine bleue, le happy slapping. Et bien d'autres. Jeu de l'aérosol, du torero, de l'insomnie, du cercle infernal, du Mikado ou de la machine à laver, le rêve bleu, le petit pont massacreur: dans un document pédagogique qui ne se veut pas exhaustif, l'Éducation nationale française détaille plus de 35 de ces défis parfois potentiellement mortels!
Facebook facilite
Faut-il comprendre qu'il en existe de plus en plus? «Traquant toujours plus les nouveautés, les médias en parlent probablement davantage que dans le passé. Mais oui, car les plates-formes en ligne servent d'accélérateurs pour ces phénomènes et sont des vecteurs idéaux. Ces challenges fonctionnent sur le mode «t'es pas cap»: on met nominalement quelqu'un au défi de faire quelque chose. Puis il le prouvera avec une image ou vidéo. Tout ce que facilite Facebook», répond Olivier Glassey, sociologue à l'Université de Lausanne et spécialiste des réseaux sociaux.
Face à ces «jeux», les autorités scolaires, les polices, les organismes de prévention et les médias sont empruntés. «En parler trop tôt, c'est prendre le risque de contribuer à faire exister un phénomène. Ne pas en parler, c'est s'empêcher d'alerter et de sensibiliser. Le critère est probablement le nombre de cas avérés et la dangerosité. Mais j'ai l'impression que personne ne sait exactement quand réagir», note le spécialiste.
«En général, nous ne communiquons pas sur de nouveaux défis pour ne pas donner de mauvaises idées. Et, si des cas sont repérés dans un établissement, le mieux est d'agir localement, avec une prévention ciblée», explique Monique Ryf, responsable romande de Pro Juventute. Mais il existe des exceptions. Quand le danger est réel et répandu, Pro Juventute fait de la prévention. Ça avait été le cas avec le fléau du happy slapping.
Développer l'esprit critique
Dans l'idéal, selon Olivier Glassey, la prévention devrait être générique. «Il faut préparer les jeunes au prochain de ces défis même si on ne sait pas de quoi il s'agira. Par exemple en développant l'esprit critique ou en soulignant que ce qui semble virtuel peut avoir de graves conséquences réelles.»
Alors, en parler ou pas? Pour le piment, les gendarmes français ont décidé qu'il le fallait. «Il faut relativiser la question car, sur ces phénomènes, les autorités comme les médias ont habituellement un temps de retard. Et quand les médias traditionnels parlent d'un de ces défis, ils le ringardisent. Le challenge perd alors de l'intérêt aux yeux des jeunes», conclut le sociologue.