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PolémiqueLes justiciers d'Internet font de la délation

Des activistes du collectif Anonymous diffusent sur la Toile les coordonnées de 500 pédophiles présumés. Une démarche très controversée.

par
Renaud Malik
?Les hacktivistes espèrent«réduire, si ce n'est éradiquer» la pédopornographie sur le Net.

?Les hacktivistes espèrent«réduire, si ce n'est éradiquer» la pédopornographie sur le Net.

Michael Gottschalk/DDP/AFP

Face au fléau de la cyberpédophilie, les Anonymous ont opté pour la manière forte. Depuis le 8 juillet, des hackers issus de ce collectif informel ont entrepris de diffuser sur le Net les coordonnées de plusieurs centaines d'individus, principalement de nationalité belge ou néerlandaise, tous usagers présumés de sites pédopornographiques. Baptisée «Opération PedoChat», cette action hautement controversée se veut une réponse à la «multiplication récente de sites dédiés au partage d'images et de vidéos pédophiles», explique dans une vidéo un personnage arborant le célèbre masque des Anonymous. Les hacktivistes, ajoute-t-il, espèrent «réduire, si ce n'est éradiquer ce fléau d'Internet».

En pâture sur le Net

Ils n'en sont pas à leur première tentative en la matière. En octobre dernier, les Anonymous avaient attaqué le site à caractère pédophile LolitaCity avant de jeter en pâture sur la Toile des informations sur ses usagers. Mais il ne s'agissait alors que d'informations lacunaires. Cette fois, les justiciers du Net vont bien plus loin en diffusant pêle-mêle noms, adresses postales, adresses e-mail, liens vers des profils Facebook ou numéros de téléphone.

Aux Pays-Bas et en Belgique, l'effet a été immédiat. Les «révélations» des Anonymous ont illico provoqué la démission d'un élu local du parti nationaliste flamand, le Vlaams Belang, dont le nom figurait dans la liste de pédopornographes présumés. Interrogé par la presse belge, l'homme a nié les faits, assurant que son adresse e-mail avait été piratée. La police belge, elle, s'est dit prête à ouvrir une enquête aussi bien sur les individus mentionnés dans les documents que sur les agissements des hackers.

Critiques en pagaille

Les militants antipédophilie, eux, sont nombreux à juger sévèrement la démarche des Anonymous. «Si des choses illégales se produisent sur des sites de chat, c'est à la police d'agir», déplore Dirk Depover, porte-parole de l'association de protection des enfants Child Focus. Un avis partagé par l'informaticien français Frédéric Aidouni, créateur d'un logiciel utilisé en Suisse par les cyberpatrouilleurs actifs dans la lutte contre la pédopornographie. Contacté par «Le Matin», il juge «ignoble de jeter en pâture les identités de particuliers» et estime que «la traque doit être menée par des gens assermentés.»

Même au sein du collectif des Anonymous, l'opération «PedoChat» est loin de faire l'unanimité. Contacté, un activiste suisse répondant au pseudo de Spoombax juge «délicat» de mettre en ligne les données personnelles des pédophiles: «Pour bien faire, me semble-t-il, il conviendrait de communiquer les informations obtenues aux autorités compétentes, notamment pour permettre la vérification des données et éviter les erreurs.» Interrogé, il reconnaît avoir participé lui-même à des «actions légales» antipédophilie, consistant par exemple à signaler à Facebook des «profils ambigus». En revanche, il se refuse à participer «à des opérations qui consistent à infiltrer des réseaux». Il n'exclut pas en revanche que certains Anonymous de Suisse aient participé à de telles opérations.

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