PréjugésLes malades du psoriasis sont encore trop souvent ostracisés
Dédiaboliser cette affection non contagieuse, c'est le but des campagnes d'information qu'a lancées cette semaine la Société suisse du psoriasis.
- par
- Stéphany Gardier

Dans un récent sondage, 40% de personnes souffrant de psoriasis révélaient avoir déjà été victimes de discrimination professionnelle en raison de leur maladie.
Au travail, au cours de gym ou dans les transports, qui n'a jamais remarqué sur une main, une épaule, un mollet, ces plaques rouges accompagnées de squames claires caractéristiques du psoriasis, qui trop souvent encore font détourner le regard. Il faut dire que faute d'information, cette maladie reste mal connue du grand public, lequel réagit souvent de façon excessive. Ces réactions blessent et affectent un grand nombre de personnes atteintes.
Dans un récent sondage, 40% de personnes souffrant de psoriasis révélaient avoir déjà été victimes de discrimination professionnelle en raison de leur maladie. Et plus de 10% avouaient avoir observé des réactions de rejet de la part de leurs proches. Commentaires désobligeants et refus de tout contact physique sont les brimades le plus souvent rapportées. Si face à de telles situations la moitié des sondés n'hésitent pas à parler de leur maladie pour dissiper les malentendus, près d'un tiers avouent avoir tendance à se replier sur eux-mêmes. «C'est un très lourd fardeau psychologique. Il faut faire très attention à bien se couvrir pour que les autres ne se doutent de rien, mais pour les personnes qui sont atteintes sur le visage ou les ongles, c'est encore plus pénible», confie Liliane, Genevoise qui vit avec le psoriasis depuis une cinquantaine d'années.
Un sentiment de honte
Se cacher, endurer la maladie avec un sentiment de honte, et surtout ne pas en parler contribuent à isoler les patients. Une stigmatisation dénoncée en mai 2014 par l'Organisation mondiale de la santé, qui attirait l'attention sur «des taux de dépression et d'anxiété plus élevés chez les personnes atteintes de psoriasis».
C'est donc sur ce thème qu'a porté essentiellement la 12e Journée mondiale du psoriasis qui a eu lieu le 29 octobre dernier. Pour dédiaboliser cette maladie et aider les malades à sortir de l'isolement, elle a joué la carte du multimédia à grands renforts de pages Facebook, de hashtags sur Twitter, de clips, d'expositions photo et même d'un jeu vidéo. Parmi les campagnes mises en œuvre, #DécouvrezLePsoriasis ose le slogan décalé «Mon amie est contagieuse», sous lequel on peut lire, en plus petit, «par sa créativité et non par son psoriasis». L'image de deux amies se tenant par les épaules rappelle qu'on ne risque rien à entrer en contact avec un malade. «Le psoriasis est une maladie inflammatoire auto-immune, explique le professeur Wolf-Henning Boehncke, chef du service de dermatologie des Hôpitaux universitaires de Genève. On sait qu'il y a une base génétique et aussi un rôle important de facteurs environnementaux. Mais en tout cas, non, ce n'est pas contagieux, et on ne le répétera jamais assez!»
Pour sa part, la Société suisse du psoriasis et du vitiligo (SPVG) – le vitiligo est une maladie qui provoque une dépigmentation de la peau – a présenté à Genève ce 28 octobre une approche originale pour faire tomber les barrières: la pratique du tango! Un pari osé, né sous l'impulsion de Sabina Seiler. Danseuse professionnelle de tango argentin, elle collabore avec la SPVG depuis 2013. Les patients qu'elle a rencontrés l'ont convaincue de tenter l'expérience: «La maladie pousse les gens à cesser de faire tout ce qu'ils aiment. Petit à petit, ils se retirent de la société», résume-t-elle. Le tango, c'est l'occasion de faire à nouveau partie d'un groupe, «de retrouver la connexion avec les autres». C'est aussi une chance pour les couples de retravailler leur intimité, mise à mal par la maladie. «Je travaille avec des personnes atteintes de Parkinson, et parfois les rôles s'inversent: c'est le patient qui aide son conjoint à progresser. Partager un apprentissage s'avère très positif.» Et si un nombre suffisant de patients expriment leur intérêt pour cette discipline après la démonstration faite à Genève, un cours régulier pourrait voir le jour.
Dans la peau d'un malade
Autre outil mis en place par la SPVG, le jeu vidéo «Under Calypso». Ce «serious game» – c'est ainsi qu'on désigne les jeux vidéo à but pédagogique – permet de se confronter à diverses situations de la vie de tous les jours, d'un rendez-vous chez le coiffeur à la visite d'une personne qui passe à l'improviste. «L'intelligence artificielle s'adapte aux propos du joueur, et plus la personne est positive, plus le feed-back l'est aussi, décrit Deise Mikhail, cofondateur de Human Games, société qui a développé le jeu. C'est une manière de travailler sa confiance en soi, mais aussi envers les autres.» Disponible sur différents supports, dont les lunettes Oculus qui offrent une expérience immersive, «Under Calypso» permet également à tout un chacun de se glisser dans la peau d'une personne atteinte de psoriasis. «Il est fondamental que le regard de la société change sur cette maladie. Nous espérons que cette approche pourra y contribuer», conclut Deise Mikhail.