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Affaire K.Les policiers accusés de brutalité sur un jeune Erythréen condamnés

Les deux policiers lausannois accusés d'avoir brutalisé un jeune Erythréen en 2006 ont été reconnus coupables d'abus d'autorité et de lésions corporelles simples. Ils écopent de jours-amende avec sursis.

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Le Tribunal du Nord vaudois a condamné vendredi à 10 et 20 jours-amende avec sursis les deux policiers lausannois accusés d'avoir abandonné un jeune Erythréen près des bois de Sauvabelin et de lui avoir administré un coup de spray au poivre. Il les a reconnus coupables d'abus d'autorité et de lésions corporelles simples.

«Après six ans et demi de bataille, la justice vaudoise a enfin dit que je ne suis pas un affabulateur. Je la remercie du plus profond de mon coeur», a déclaré le jeune homme à l'issue du verdict, à Yverdon-les-Bains.

La Cour a estimé que les déclarations du plaignant sont «globalement crédibles», même si elles peuvent présenter des contradictions. Après deux acquittements successifs cassés par le Tribunal cantonal puis fédéral, l'affaire n'en restera vraisemblablement pas là. «Il est plus que probable qu'un appel sera déposé», a dit Me Jean-Christophe Diserens, avocat d'un des policiers, qui réclamait l'acquittement.

Adolescent en larmes

Le tribunal a largement suivi les réquisitions du Ministère public. Dans cette «affaire délicate», où la vérité ne «saute pas aux yeux», le tribunal s'est appuyé sur les enregistrements vidéo où le plaignant, alors un adolescent de seize ans et demi, s'effondre en larmes lorsqu'il raconte ce qui s'est passé». «Peut-être est-ce un excellent comédien: ce n'est pas mon sentiment», a dit le président Eric Eckert.

La Cour a «la conviction» que le sprayage et l'éloignement punitif loin du centre-ville ont bien eu lieu. Trois policiers ou anciens policiers l'ont confirmé en cours d'enquête: on ne peut écarter leur témoignage.

Le déplacement du jeune homme près des bois de Sauvabelin visait à éviter la création d'un attroupement autour du jeune homme, qui invectivait les forces de l'ordre au petit matin du 1er janvier 2006. Mais il avait aussi un but punitif.

La Cour refuse de dire si l'éloignement des perturbateurs constitue une pratique adéquate ou non. En l'espèce, la mesure était «illicite», «disproportionnée» et «excessive». «Des directives claires précisent qu'il faut ramener les mineurs à la maison, pas dans des bois», a relevé le président Eckert.

Pour le procureur général du canton de Vaud, cette pratique de l'éloignement peut se justifier dans certains cas de figure. Mais elle devrait être cadrée par une base légale qui fixe des limites, a observé Eric Cottier.

Culpabilité légère

Comme le Parquet, le tribunal a estimé que la culpabilité des policiers était «légère», compte tenu des circonstances. «Ces actes ont été commis sur quelqu'un qui l'a cherché, une tête à claques, un enquiquineur qui a tout fait pour agacer et provoquer la police. Ces faits sont pénalement répréhensibles, mais je comprends qu'on ait pu péter les plombs», a fait valoir le procureur général Eric Cottier.

Cette faute n'est «pas gravissime» mais elle doit être sanctionnée, a estimé le tribunal qui a condamné l'auteur du sprayage à 20 jours-amende avec sursis et son collège à dix jours- amende, également avec sursis. Le Parquet avait requis 20 jours- amende avec sursis pour les deux policiers.

La défense, qui avait réclamé l'acquittement, a dit sa déception à l'issue de l'audience. «Ce jugement est d'autant plus surprenant que l'éloignement correspond à ce que les policiers ont appris», a réagi Me Jean-Christophe Diserens. Une justice «saine a été rendue», s'est réjouie pour sa part Me Aline Bonard, avocate du plaignant.

(ats)

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