SuisseLes prix des aliments vont-ils vraiment bondir?
Adversaires et partisans de l'initiative Fair Food soumise au peuple le 23 septembre se battent sur les coûts des aliments. Le scénario d'une flambée des prix ne fait pas l'unanimité.
- par
- Pascal Schmuck ,
- Zurich

Les adversaires de l'initiative Fair Food veulent mettre l'accent sur le porte-monnaie lors de la campagne.
Les milieux économiques ne veulent pas de l'initiative pour des aliments équitables, ou initiative Fair Food, qui sera soumise au peuple le 23 septembre. En cas de «oui», Economiesuisse prédit une hausse massive des prix. «Ils pourraient grimper d'au moins 50% à long terme», explique Roger Wehrli, responsable du dossier auprès de l'organisation.
Ce sont surtout les familles à faible budget qui en seront les principales victimes, ajoute-t-il dans les pages du Tages-Anzeiger. Ces foyers, avec un revenu mensuel de moins de 5000 francs, consacrent déjà 12% de leurs revenus à leur alimentation. «En cas de succès dans les urnes, cette part pourrait bondir à 20%.»
Des interrogations
L'initiative recueille, selon les premiers sondages SSR et Tamedia, un fort taux d'acceptation mais ses partisans sont traversés par la même interrogation: des aliments plus équitables doivent-ils passer au détriment des plus faibles économiquement?
Si les délégués du Parti socialiste ont déjà choisi de soutenir le texte, le groupe parlementaire est nettement plus réticent. Ainsi que l'a déclaré Prisca Birrer-Heimo, «des prix élevés dans l'alimentaire représentent un problème pour les populations plus faibles socialement.»
La conseillère nationale (PS/LU) prône donc la liberté de vote, un point de vue partagé par la fédération alémanique de protection des consommateurs (Stiftung für Konsumentenschutz - SKS), qu'elle préside. Tandis que l'autre grande association des consommateurs, la Konsumenten-Vereinigung Schweiz, recommande le «oui», tout comme la Fédération romande des consommateurs.
Bio? Pas forcément
Les initiants balaient les arguments d'Economiesuisse, la présidente des Verts Regula Rytz qualifiant le scénario de hausse des prix d'«absurde». Elle rappelle que l'association patronale se base sur une comparaison de l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG). L'administration fédérale a établi en février 2018 qu'un panier typique contenant 25 aliments biologiques coûtait environ 50% de plus que le même panier avec des aliments conventionnels.
Mais comme le souligne Regula Rytz, l'initiative ne prescrit pas d'aliments biologiques. «Elle veut plus de bien-être animal et de durabilité et ne s'engage pas sur des labels.» Mais Roger Wehrli n'en démord pas. «Les initiants ont écrit dans leurs premiers argumentaires qu'ils veulent la norme biologique à long terme.»
Les partisans ne le nient pas, mais ils ont pris leurs distances. Et les opposants reviennent à la charge. «Même en l'absence de normes bio, les prix vont augmenter parce que les importations, soit plus de la moitié de tous les aliments consommés, feront l'objet de contrôles rigoureux, tant à la frontière qu'à l'étranger sur le lieu de production», assène Roger Wehrli.
Le dernier mot au Parlement
L'argument des coûts ne tient pas la route, se défendent les partisans du projet qui mettent en avant que leur texte est davantage soutenu par les personnes à faible revenu. Et de rappeler une étude de la Fédération romande des consommateurs (FRC) qui montre que les prix des denrées alimentaires dépendent fortement du comportement d'achat. En outre, acheter des produits saisonniers et éviter le gaspillage alimentaire permet de faire des économies.
Le risque d'une hausse des prix est également évoqué par le Conseil fédéral, mais ce scénario comporte une grosse inconnue, explique Kathrin Naegeli, porte-parole de l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV). «Il est impossible de dire pour le moment ce qui coûtera plus cher en cas de «oui» le 23 septembre, parce qu'en fin de compte, cela dépendra aussi de la façon dont le Parlement mettra en œuvre l'initiative.»