Sortie du nucléaireLes scientifiques suisses divergent sur la sortie du nucléaire
Les avis divergent au sein de la communauté scientifique suisse pour savoir s'il faut continuer à utiliser l'atome à long terme. Mais la recherche nucléaire doit se poursuivre, selon les Académies suisses des sciences.

Plusieurs manifestations contre le nucléaire ont eu lieu en Suisse. Ici, devant l'ONU à Genève.
La sortie du nucléaire ne bénéficie pas d'un soutien sans faille de la part de la communauté scientifique. Les avis divergent parmi les Académies suisses des sciences pour savoir s'il faut continuer à utiliser l'atome à long terme. Mais elles demandent que la recherche nucléaire se poursuive.
Les quatre Académies - des sciences naturelles, des sciences humaines et sociales, des sciences médicales ainsi que des sciences techniques - ont présenté jeudi à Berne leur analyse de l'avenir de l'approvisionnement énergétique d'ici à l'horizon 2050. Initiée en 2009, la réflexion a débouché sur un rapport de 180 pages.
Les Académies des sciences soutiennent certains objectifs du Conseil fédéral, comme une utilisation plus efficiente de l'énergie et le développement du renouvelable. Elles n'ont toutefois pas pu se mettre d'accord sur le point central de la sortie du nucléaire.
La question est dans la communauté scientifique comme ailleurs, sujette à controverse, a indiqué Eduard Kiener, membre de l'Académie des sciences techniques et chef du projet. Directeur de l'Office fédéral de l'énergie entre 1977 et 2001, M. Kiener s'est exprimé à plusieurs reprises de manière critique face à la sortie du nucléaire.
Poursuivre la recherche
Les Académies ont en revanche réussi à s'entendre pour réclamer une poursuite de la recherche sur l'atome. Il ne s'agit pas uniquement de la question des déchets mais également de recherche fondamentale, «afin que toutes les options restent ouvertes».
La recherche doit se concentrer «en particulier sur de nouveaux concepts de réacteurs». Et le président des Académies des sciences Heinz Gutscher de rappeler que la fusion nucléaire reste théoriquement une piste prometteuse.
Immense défi
Avec leur rapport, les Académies des sciences veulent souligner l'ampleur du défi qui attend la Suisse: le système énergétique va devoir être modifié en profondeur suite à la décision du Conseil fédéral de sortir du nucléaire. Les nouvelles énergies renouvelables ne représentent aujourd'hui que 2,2% de la production, contre 40% pour le nucléaire.
Pour se passer de l'atome, il faudra développer les énergies renouvelables au maximum de leur potentiel, souligne M. Kiener. A terme, l'éolien et le solaire devraient être rentables.
Mais le critère économique ne peut être pris seul en compte, souligne Christoph Ritz, de l'Académie des sciences naturelles. Il faut aussi analyser les possibilités d'implantation sur le territoire. De ce point de vue, le solaire est nettement plus prometteur que l'éolien.
Réinventer le réseau
Le tournant énergétique ne peut se résumer à un simple remplacement des sources d'énergie. Le réseau doit être entièrement réinventé pour s'adapter à une production qui fluctue selon l'heure et la saison et qui sera également toujours plus décentralisée.
Il faudra dans cette optique accroître massivement les capacités de stockage, notamment par le biais du pompage-turbinage, souligne Irene Aegerter, de l'Académie des sciences techniques.
Afin d'assurer la sécurité de l'approvisionnement, des investissements seront aussi nécessaire pour raccorder la Suisse à un éventuel futur réseau européen à très haute tension. Les coûts d'adaptation du réseau devraient se monter «entre 12 et 42 milliards de francs», souligne Mme Aegerter.
Demande stable
Point positif, les Académies des sciences estiment que la demande ne devrait pas s'envoler d'ici à 2050. Sans intervention politique, celle-ci ne devrait progresser que de 14%, assurent-elles.
«Cette prévision est nettement inférieure à celle de la Confédération», soulignent les Académies. Elles estiment que le prix du courant va augmenter de près de 50% et pousser les gens à être plus économes. En prenant certaines mesures supplémentaires, il devrait donc être possible de stabiliser la demande un peu en dessous de son niveau actuel.
Les Académies sont cependant sceptiques quant au système actuel dans lequel les compagnies énergétiques n'ont aucun intérêt à voir la demande d'électricité baisser.