Clandestins: Les squatteurs investissent les parcs genevois

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ClandestinsLes squatteurs investissent les parcs genevois

On estime qu'entre 800 et 1000 personnes dorment à la belle étoile l'été à Genève, souvent à deux pas des plus grands palaces.

par
Valérie Duby
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Réveil en sursaut pour ces deux hommes, qui quitteront les lieux en quelques minutes.

Réveil en sursaut pour ces deux hommes, qui quitteront les lieux en quelques minutes.

Christian Bonzon
Sous les ponts, ce sont les Roms qui campent. Sous les bosquets, on retrouve plutôt une population africaine.

Sous les ponts, ce sont les Roms qui campent. Sous les bosquets, on retrouve plutôt une population africaine.

Christian Bonzon
Sous les ponts, ce sont les Roms qui campent. Sous les bosquets, on retrouve plutôt une population africaine.

Sous les ponts, ce sont les Roms qui campent. Sous les bosquets, on retrouve plutôt une population africaine.

Christian Bonzon

Il est 6 h 15, le jour n'est pas encore levé. À la Perle du Lac, l'un des plus beaux jardins publics de Genève, un joggeur entame son footing matinal tandis qu'un employé de la voirie ramasse les détritus au sol avec une pince. Le soleil pointe son nez. La chaleur est déjà écrasante. Dans les bosquets, on devine une ou plusieurs présences. On s'approche. Stupeur, une dizaine d'individus – tous d'origine africaine – dorment sur des matelas, enroulés dans des couvertures. À leurs côtés, des sacs-poubelle contenant des habits, des bouteilles en PET et des restes de nourriture.

Parce qu'il a entendu du bruit, l'un d'eux s'éveille. En deux temps trois mouvements, il enfile un bermuda. Quelques minutes plus tard, tout le monde est parti, laissant dissimulé sous les fourrés leur «balluchon» avec leurs affaires. La scène se déroule à quelques mètres de la rue de Lausanne, à 200 m des Fêtes de Genève et de l'Hôtel Président Wilson, un cinq-étoiles.

Le Gange version Genève

Ici, chaque soir, plus d'une vingtaine d'Africains s'installent pour la nuit. «Il y en a de plus en plus», estime l'employé de la voirie. «Ils dorment aussi la journée. Une fois, on n'a pas réussi à en réveiller un tout de suite», s'amuse le fonctionnaire, qui rit moins lorsqu'on lui parle de tout ce qu'il retrouve sous les bosquets. «Je les vois parfois laver leurs vêtements dans le lac et les faire sécher sur les rochers», ajoute l'employé d'un restaurant qui passe chaque matin dans le parc. Le Gange version Genève.

En descendant sur la rade, on se retrouve devant le restaurant de la Perle du Lac, propriété de la Ville de Genève, où un homme vient dormir sur la terrasse lorsque les derniers clients sont partis. Une sorte de «veilleur de nuit» qui, dans le fond, rend plutôt service aux tenanciers. À droite, dans le parc Barton, face au jet d'eau, une maison de maître avec balcon: le Centre Henry Dunant pour le dialogue humanitaire. «C'est notre cinq-étoiles», rigole un Africain. Sur la fontaine, à côté des WC, une brosse à dents et un dentifrice.

Notre promenade matinale se poursuit jusqu'aux falaises de Saint-Jean, en passant par le square du Mont-Blanc, où un carton a remplacé le matelas. «Ici (ndlr: et comme à Saint-Jean) ce sont plutôt des Roms; des clients de l'hôtel se sont plaints», constate l'employé d'un grand hôtel.

Opérations de police

S'il n'existe pas de chiffres précis quant au nombre de sans-abri squattant les parcs et les squares genevois, au Département de l'emploi, de la santé et des affaires sociales (DEAS), on avance toutefois que, selon les associations, entre 800 et 1000 personnes dorment dehors. «Il s'agit pour la plupart de migrants, pour beaucoup des déboutés de l'asile», explique Florence Forget, du Secrétariat général du DEAS. «Il faut savoir qu'entre 50 et 60% des requérants d'asile dont la demande a été rejetée passent dans la clandestinité. Certains poursuivent leur parcours migratoire vers un autre pays d'Europe, d'autres ne quittent pas la Suisse et vivent en grande précarité dans les centres urbains», poursuit Florence Forget.

À la police genevoise, on explique assurer une «présence soutenue» dans les lieux sensibles, notamment à la Perle du Lac, les parcs Barton et Moynier, et jusqu'au bâtiment de l'Organisation mondiale du commerce. «Nous sommes confrontés à une recrudescence saisonnière de dormeurs dans les parcs, à laquelle s'ajoute la population de Roms qui est, elle, présente à l'année», constate le major Luc Broch. Le chef de la police de proximité explique que des contrôles ont lieu. «Il s'agit, pour nous, d'identifier les dormeurs et de poursuivre, si besoin est, les personnes en infractions, de nettoyer les emplacements souvent souillés par les matelas et autres divers objets.»

La dernière opération en date remonte au 21 juillet dernier. Ce matin-là, 22 personnes – sans papiers valables – ont été interpellées et quatre d'entre elles mises à disposition du ministère public pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers. «On ne contrôle pas les gens pour le plaisir», glisse un policier. La plupart de ces gens sont arrivés en Europe via l'Espagne ou l'Italie qui leur a donné des papiers Schengen. «Beaucoup ont déjà eu affaire à la police dans le cadre de trafic de rue de stupéfiants», constate Silvain Guillaume-Gentil, porte-parole de la police genevoise. Il est 8 h du matin. Les dormeurs ont quitté leur campement, ils vont marcher, se laver, parfois dans des piscines municipales. Dès la nuit tombée, ils réinvestiront les lieux, à quelques centaines de mètres des hôtels de luxe de la rive droite du canton.

«La pauvreté et la précarité augmentent partout»

Esther Alder, conseillère administrative de la Ville de Genève

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