CharitéLes Suisses ont moins donné
Les dons aux organisations caritatives ont baissé en 2016 par rapport à l'année précédente. Une première depuis dix ans.
- par
- Fabien Feissli

Photo d'illustration
En 2016, les Suisses ont donné 1,79 milliard de francs à des œuvres de bienfaisance. Un résultat exceptionnel mais qui, pour la première fois depuis dix ans, est moins bon que celui de l'année précédente. Alors que la courbe des dons ne cessait de grimper, passant de 1 milliard en 2006 à 1,82 milliard en 2015, elle connaît un coup d'arrêt selon les chiffres dévoilés cet automne par le ZEWO, le service suisse de certification pour les organisations d'utilité publique. Un phénomène également observé chez nos voisins français. Une étude publiée en début de semaine soulignait que le nombre de donateurs hexagonaux a baissé de 4,2% en 2016 par rapport à l'année précédente. Là aussi, c'est une première depuis une décennie.
Chercheuse spécialisée dans le domaine financier au Centre d'études de la philanthropie en Suisse de l'Université de Bâle, Sara Stühlinger rappelle que, malgré cette diminution, les dons restent très généreux dans notre pays. «On ne peut pas encore dire qu'il y ait une tendance à la baisse. Il faut attendre les chiffres de 2017 pour voir si cela repart à la hausse. Si ce n'est pas le cas, il faudra commencer à se demander pourquoi», indique-t-elle.
Pour l'heure, la spécialiste émet l'hypothèse que c'est plutôt 2015 qui était une année exceptionnelle. «Il y a eu le tremblement de terre au Népal et la crise migratoire a beaucoup attiré l'attention. Cela a peut-être déclenché davantage de dons», observe Sara Stühlinger tout en soulignant que les catastrophes marquantes sont des indicateurs importants de la générosité des donneurs. La Chaîne du Bonheur est bien placée pour le savoir. La fondation a vu les dons fondre de 73 millions en 2015 à 17 millions en 2016. «Nous ne sommes pas un bon baromètre, nous dépendons beaucoup des situations extrêmes», reconnaît Sophie Balbo, porte-parole de la Chaîne du Bonheur.
Les Romands moins généreux
Elle note que de nombreux facteurs influencent les dons et qu'il est très difficile de les analyser. «Est-ce qu'il y a une fatigue des donateurs? Impossible à dire pour nous. En tout cas, les Suisses restent plus généreux que leurs voisins européens.» Sara Stühlinger abonde dans ce sens: «Cela vient du fait que nous sommes un pays riche mais pas seulement. C'est également dans notre culture de donner», pointe la chercheuse tout en précisant que les Alémaniques mettent plus facilement la main au porte-monnaie que les Romands.
«Les gens sont conscients qu'ils ont une situation privilégiée en Suisse. Quand ils voient la détresse et les besoins des autres pays, ils sont plus enclins à se montrer généreux», avance Pierrette Rey, porte-parole du WWF. De son côté, elle observe que son institution a la chance de pouvoir s'appuyer sur une base de donateurs stable qui varie peu d'année en année. «Le seul secteur qui fluctue beaucoup, c'est celui des legs. Mais cela fait partie de la nature même de ce type de dons», explique-t-elle.
Martina Ziegerer, directrice du ZEWO, dit ne pas être surprise par les chiffres helvétiques. «Cela reste encore exceptionnellement haut. C'est normal qu'il y ait des fluctuations», pointe-t-elle. La responsable, qui travaille actuellement sur les estimations de l'année 2017, assure ne pas être inquiète pour la suite. «Les dons ont augmenté chaque année depuis dix ans, peut-être que désormais cela va stagner un peu, mais je ne pense pas qu'il y ait une véritable crise. L'humeur des donateurs est toujours positive.»