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OncologieL'immunothérapie fait des miracles contre le mélanome

Une personne sur cinq en Suisse développe un cancer de la peau au cours de sa vie. Mais de nouvelles thérapies augmentent significativement la survie des patients atteints de mélanome sévère.

Elisabeth Gordon
en collaboration avec www.planetesante.ch
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Getty Images

Malgré la multiplication des campagnes de prévention qui mettent en garde contre une surexposition aux rayons UV – le principal facteur de risque – le mélanome est en constante progression en Suisse. On estime qu'une personne sur cinq développera ce cancer de la peau au cours de sa vie. Fort heureusement, la grande majorité est diagnostiquée à un stade précoce et peut être guérie grâce à la chirurgie. Mais quand le cancer forme des métastases, il devient beaucoup plus difficile à traiter. Pendant longtemps, on a fait appel à la chirurgie – qui reste d'actualité – et à la chimiothérapie, actuellement utilisée «dans un nombre de plus en plus faible de cas», précise le professeur Olivier Michielin, chef de l'oncologie personnalisée analytique au département d'oncologie et chef de la clinique du mélanome du CHUV. Avant les thérapies qui ont vu le jour ces dernières années, le taux de survie à cinq ans n'était que de 10 à 15%. On ne peut pas encore chiffrer les résultats de ces traitements récents, mais on constate néanmoins qu'ils sont bien plus efficaces.

Cibler la tumeur

L'une de ces grandes avancées est l'élaboration de thérapies «ciblées», qui s'attaquent spécifiquement à la tumeur en prenant pour cible une ou plusieurs de ses mutations. Dans le cas du mélanome métastatique, l'une des cibles visées est une enzyme (tyrosine kinase) nommée B-RAF qui, quand elle est anormale, incite les cellules à se diviser et à proliférer, donc à devenir cancéreuses. Les traitements visent donc à bloquer l'action de cette enzyme mutée à l'aide de médicaments nommés «inhibiteurs de la tyrosine kinase». On peut aussi intervenir en aval de la cascade de signaux qui conduit à la division de la cellule, et notamment au niveau d'un nœud de communication appelé MEK.

Seules 50% des personnes atteintes d'un mélanome avancé portent un B-RAF muté et sont donc concernées par ce traitement. Chez 70% d'entre elles, la combinaison de médicaments anti-B-RAF et anti-MEK «donne une réponse qui peut être spectaculaire et rapide. Certains patients dans un état critique ont vu leur santé s'améliorer au bout de deux ou trois jours seulement», constate Olivier Michielin. Ces traitements ciblés, maintenant disponibles en Suisse, ont toutefois un inconvénient. Au bout d'un an – trois dans les meilleurs cas – ils cessent d'être efficaces. «C'est pourquoi on ne les utilise de préférence qu'en cas d'échec de l'immunothérapie.»

Débloquer les freins du système immunitaire

L'immunothérapie est en effet l'une des voies les plus prometteuses dans la lutte anticancéreuse et a déjà donné des résultats impressionnants, notamment contre le mélanome avancé. Le système immunitaire est en effet capable de reconnaître et de tuer non seulement les cellules infectées par des agents pathogènes, mais aussi celles qui sont anormales, comme les cellules cancéreuses. Bien souvent toutefois, il n'y parvient pas, car certaines de ses armes clés, les lymphocytes T (un type de globules blancs), possèdent des freins qui entravent leur action de «tueurs de cancer». Ce sont ces freins (des récepteurs à la surface des lymphocytes T) que l'immunothérapie vise à desserrer.

Les médecins se sont d'abord attaqués à l'un d'eux, le CTLA4, «en collant dessus un anticorps monoclonal», comme le dit de manière imagée l'oncologue, ce qui a permis de neutraliser ce frein et de redonner toute leur puissance aux lymphocytes. La mise sur le marché en 2010 d'un anticorps de ce type, l'iplimumab, a constitué selon le professeur Michielin «la première révolution dans le traitement du mélanome avancé. Pour la première fois, on montrait qu'une immunothérapie augmentait significativement la survie des malades. 20% d'entre eux voient en effet leur cancer stabilisé pendant cinq à dix ans.»

La révolution suivante a consisté à débloquer, toujours à l'aide d'anticorps monoclonaux (le nivolumab et le pembrolizumab), un autre frein du lymphocyte, le récepteur PD1, que la tumeur utilise pour se défendre contre les cellules immunitaires. «Les résultats sont incroyables, constate l'oncologue: de 35 à 40% des patients voient leur état s'améliorer. En outre, lorsqu'on cesse d'administrer cette thérapie à ceux qui ont une réponse complète, 97% d'entre eux n'ont aucune récidive dans l'année qui suit.»

Un pas de plus a ensuite été franchi avec l'association d'anti-CTLA4 et d'anti-PD1, qui est efficace chez 55% des patients.

Ces thérapies s'accompagnent toutefois d'effets secondaires. De même qu'un véhicule dont on a débloqué les freins devient vite incontrôlable, les lymphocytes, une fois libérés de leurs entraves, ont tendance à s'attaquer à l'organisme et à provoquer des maladies auto-immunes. C'est malheureusement le prix à payer pour obtenir la rémission sur de longues durées d'un nombre toujours plus grand de patients.

Toutefois, la lutte anticancéreuse n'a pas dit son dernier mot. Les médecins fourbissent une nouvelle arme, la thérapie cellulaire (lire encadré). En attendant la prochaine révolution qui permettra d'offrir aux patients des traitements personnalisés.

Les espoirs des médecins reposent sur la thérapie cellulaire, prometteuse mais onéreuse

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