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MédecineL'insomnie? Ça se soigne

Environ un Suisse sur trois souffre de troubles du sommeil.

par
Benoît Perrier. Avec la collaboration de www.planetesante.ch

Deux heures du matin. Le tic-tac du réveil alterne avec les respirations de votre conjoint. Comme la nuit dernière, vous ne dormez toujours pas. Et comme la prochaine, craignez-vous. Vous n'êtes pas le seul: l'insomnie est un trouble extrêmement répandu. On estime qu'en Suisse, une personne sur trois n'est pas satisfaite de son sommeil et qu'une sur dix en ressent les conséquences durant la journée: fatigue et somnolence, troubles de la concentration et de l'humeur, stress et irritabilité.

Pour ceux qui en souffrent, l'insomnie est un fléau. Pourtant, ils sont peu nombreux à demander de l'aide: près de sept insomniaques sur dix n'en ont jamais parlé à leur médecin, ont révélé des études. Cette situation frustre les spécialistes du sommeil, car l'insomnie se soigne.

Le cerveau «prend le pli»

Si vous vous décidez à consulter, le médecin n'aura pas besoin d'examens pour poser le diagnostic. Deux éléments lui suffisent: primo, vous vous plaignez que votre sommeil est difficile à trouver, insuffisant, entrecoupé ou non réparateur (ou tout cela à la fois) et, secundo, que vous en subissez des conséquences au quotidien, explique José Haba-Rubio, médecin associé au Centre d'investigation et de recherche sur le sommeil, à Lausanne.

Pour mettre en place un traitement, il faut définir le type d'insomnie. Il en existe deux: l'insomnie primaire, dont les troubles apparaissent seuls, et l'insomnie secondaire, causée par une autre maladie. Cette dernière affecte deux insomniaques sur trois et survient en cas de troubles cardiaques (dont l'impact sur la respiration dégrade le sommeil), de dépression ou d'anxiété (ruminer ses soucis empêche de s'endormir) ou de douleurs chroniques. «Les insomnies secondaires se traitent en soignant la maladie de base», explique le Dr Haba-Rubio.

L'insomnie chronique primaire, elle, a des causes psychologiques. Elle survient souvent après un stress ou un choc émotionnel (deuil, licenciement, séparation) et «s'autoentretient, reprend le médecin. C'est comme si, à force de mal dormir, le cerveau prenait cette situation pour acquise.» Pour le reconditionner et «éliminer progressivement ce cercle vicieux», on utilise une thérapie dite cognitivo-comportementale, qui agit à la fois sur les comportements et les attitudes à propos du sommeil. Les somnifères sont dans ce cas inopérants (voir encadré).

Le traitement commence par «des informations sur le fonctionnement et l'hygiène du sommeil, détaille le Dr Stephen Perrig, responsable du laboratoire du sommeil aux Hôpitaux universitaires de Genève. Des techniques de relaxation sont aussi enseignées pour aider au lâcher-prise.» Mais c'est le versant de reprogrammation des habitudes liées au sommeil qui est crucial, poursuit le médecin: «On ne se couche que quand l'on est somnolent. Si le sommeil ne vient pas après vingt minutes, il faut se lever et faire autre chose jusqu'à ce que la somnolence revienne. Le but de ce déconditionnement est que le lit ne soit plus associé à des moments désagréables.»

Moins de temps au lit

Une autre technique consiste à restreindre le temps passé au lit la nuit. En fixant des heures de coucher et de lever à respecter tous les jours et en proscrivant les siestes, on augmente la durée de veille et donc la fatigue. L'effet est physiologique: les malades trouvent plus facilement le sommeil quand ils se couchent.

«En renforçant cette «pression de sommeil», nous jouons beaucoup sur la perception que l'insomniaque a de son propre sommeil, explique le Dr Perrig. C'est une notion clé pour comprendre l'insomnie, car il est fréquent que cette perception soit mauvaise. Une fois au lit, le cerveau ne s'endort pas d'un bloc. Un insomniaque continue donc souvent à cogiter ou à écouter ce qui se passe dans la maison tout en étant endormi.» Livrer cette information au patient lui permet de mieux comprendre sa situation et, souvent, de le rassurer. Le cas échéant, on peut faire un pas supplémentaire en réalisant un enregistrement du sommeil en laboratoire. Différents capteurs et caméras observent le patient qui dort. Il arrive alors fréquemment que l'insomniaque, qui pense ne pas avoir fermé l'œil de la nuit, réalise qu'il a dormi quelques heures. Mais surtout, l'observation du sommeil permet de poser un diagnostic sur les causes de l'insomnie. Certaines, comme le syndrome des apnées du sommeil ou celui des jambes sans repos, doivent absolument être recherchées, car leur traitement nécessite des approches spécifiques.

Enfin, en plus d'identifier les causes, la médecine du sommeil apporte la «possibilité de déterminer la sévérité des troubles du sommeil», conclut le Dr Perrig. Qui insiste: «Les plaintes de sommeil ne doivent pas être banalisées, notamment parce qu'elles peuvent annoncer une dépression.»

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