FootballLionel Messi, ce génie endormi
Si peu influent depuis deux matches, Lionel Messi peut-il retrouver sa légendaire virtuosité en finale? Le titre mondial et l'héritage de Diego Maradona sont à ce prix.
- par
- Mathieu Aeschmann ,
- Rio de Janeiro

Messi n'a pas encore atteint son meilleur niveau.
La seconde prolongation n'était vieille que de quelques minutes, mercredi soir, quand les 30 000 Argentins de l'Arena Corinthians décidèrent de frotter la lampe. «Messi, Messi, Messi…» Face au spectre menaçant des tirs au but, le peuple albiceleste implorait son génie. Une complainte, presque un rite. Comme pour réveiller sa divinité païenne, trop longtemps endormie et seule capable de remonter le temps.
Au pic de sa passion exubérante, l'escadron argentin de São Paulo a-t-il senti à cet instant précis que Lionel Messi avait besoin d'un coup de pouce? C'est probable. Car le quadruple Ballon d'or terminait de traverser sa première demi-finale de Coupe du monde comme une ombre. Un minuscule tir au but (sur coup franc), trois incartades dans les seize mètres hollandais, des balles arrêtées mal dosées: son bilan offensif ressemblait alors au match dans son ensemble. Désespérément terne.
Pire, «la Pulga» n'en finissait pas de perdre des duels face à Ron Vlaar, pas vraiment un monstre de vivacité. Bref, le monde à l'envers. Si elle ne l'envoya pas vers un rush décisif comme contre la Suisse, l'énorme vague d'amour et de dévotion tombée d'un coup des tribunes eut au moins les bienfaits d'un massage apaisant. Serein, Leo pouvait s'en aller marquer ce premier penalty qui change tout. Sa soirée resterait comme réussie. Reste que la liesse d'une qualification historique ne saurait occulter la question qui fâche: Lionel Messi a-t-il encore les jambes pour porter son talent et l'Argentine jusqu'au titre suprême?
Fatigués et meurtris
Des jambes de 100 kg. «Il est très fatigué, avait confessé son père à la Folha de São Paulo après la victoire contre la Belgique. Il m'a dit que chacune de ses jambes pesait cent kilos.» Même si cet aveu est à prendre avec quelques pincettes, la thèse d'un organisme exsangue tient la route. Déjà parce que la sélection argentine, dans son ensemble, paie les efforts de deux prolongations et de quatre matches (sur six) disputés à 13 heures.
«Mes gars sont fatigués et meurtris comme après une guerre, a d'ailleurs insisté Alejandro Sabella mercredi soir. L'Allemagne représente toujours un immense défi. Mais il devient encore plus dur lorsqu'elle possède un jour de récupération en plus et qu'elle s'est économisée durant la moitié de sa demi-finale.»
Statistiques en chute libre
Les Brésiliens apprécieront la pique et déduiront, comme nous, que l'état de fraîcheur des Argentins se situe au confluent de l'intox et d'une usure légitime. Pour Messi, par contre, le doute subsiste, alimenté par quelques statistiques en chute libre. Son dernier but date par exemple du Nigeria et le dernier assist de la Suisse. Or durant les trois matches à élimination directe, le Barcelonais n'a frappé que quatre fois au but. Plus inquiétant encore, ses percées balle au pied dans les 16 mètres adverses sont tombées de 12 (Suisse) à 3 (Belgique et Pays-Bas).
Penser que l'Argentine se rendra au Maracanã avec un génie diminué serait toutefois une grave erreur. Déjà parce que Sabella a bâti un système qui exonère Messi des basses besognes défensives et lui offre ensuite une liberté totale pour dénicher l'espace de création. Or avec un tel talent, tout n'est toujours qu'une question de temps.
A peine faudrait-il souhaiter à «la Pulga» la guérison de Di Maria et un Higuain plus tranchant. Car en fouillant les archives de 1986 (lire ci-dessous), il apparaît clairement que le génie sans limites de Diego Maradona pouvait s'appuyer sur deux lieutenants en feu: Jorge Valdano et Jorge Burruchaga. Et si dimanche, il suffisait simplement de bien frotter la lampe?