EditorialLoi sur le CO2: la Suisse doit taxer les grosses!
En reprenant cette semaine la loi sur le CO2, le Conseil des Etats ferait bien de proposer des mesures contre les véhicules individuels lourds et polluants, comme les SUV et les pick-up. C'est le moment d'agir.
- par
- Eric Felley

Parmi les voitures individuelles grosses et lourdes, les Pick-up à l'américaine deviennent de plus en plus nombreux sur les routes suisses. C'est peu dire qu'ils provoquent plus d'agacement que d'admiration chez les autres usagers de la route.
En 2018, plus de la moitié des voitures neuves achetées en Suisse ont été des modèles de voitures grosses et lourdes de type SUV ou Pick-up, qui émettent en moyenne 137,3 grammes de CO2 par kilomètre, soit la moyenne la plus élevée d'Europe. A l'inverse la moyenne norvégienne est de 72,4 grammes, car là-bas, ces véhicules sont taxés de manière très dissuasive. La Suisse s'est fixé une limite à 95 grammes dès la fin 2020 dans le cadre de la stratégie énergétique 2050, adoptée par le peuple en 2017. On en est loin!
60 % de réduction en Suisse
Cette situation doit faire réfléchir les élus du Conseil des Etats qui reprennent ce jeudi la loi sur le CO2, que le Conseil national avait sabordé en décembre 2018. Une des raisons de cet échec était que l'UDC et le PLR avaient supprimé d'emblée «la part minimale de la réduction à réaliser en Suisse», que le Conseil fédéral proposait à hauteur de 60%. La commission du Conseil des Etats a déjà fait connaître sa volonté de maintenir dans la loi cette part minimale à 60 %. Partant, il faudra bien trouver des mesures qui permettront de l'atteindre.
Problème de cohabitation
C'est dans cet objectif, que la Suisse devrait rapidement prendre des mesures pour limiter la prolifération des véhicules lourds, gros et polluants. Soit en taxant ces véhicules neufs en fonction de leur poids, soit en refusant d'homologuer les modèles qui dépassent une quantité de CO2 à définir. Il s'agit d'éviter que le parc automobile helvétique se renouvelle avec une majorité de «chars d'assaut», qui vont bientôt inonder le marché de l'occasion. Sans compter la dangerosité de ces véhicules et les problèmes de cohabitation sur les routes étroites ou dans les parkings.
Des efforts réduits à néant ?
Lorsque l'on sait que les transports, notamment individuels, sont les principaux producteurs d'émissions de gaz à effets de serre, il est urgent d'agir dans ce secteur, sinon, tous les efforts qui sont entrepris dans les autres (bâtiment, industrie) seront réduits à néant par l'attitude des milieux de l'automobile (et la moralité suspecte des constructeurs).
Le lobby de l'automobile à l'affût
Mais attention, le lobby de la voiture est très puissant en Suisse, notamment autour de l'Automobile club suisse (ACS), présidée depuis peu par le conseiller national Thomas Hurter (UDC/SH). L'ACS défend une part minimale de réduction en Suisse de 20 % et n'est pas connue à Berne pour défendre la moindre proposition de couleur verte... Enfin les importateurs de véhicules, réunis au sein d'auto-suisse, font largement pression sur le Parlement pour contester les normes CO2, qu'il faudrait appliquer de concert avec l'Union européenne, prétextant justement que la Suisse est le paradis des grosses à cause du pouvoir d'achat élevé et des conditions topographiques. On ne peut changer ni l'un, ni l'autre, mais on peut changer de politique.