TélécomsLondres exclut Huawei de son réseau 5G
Le Royaume-Uni a durci sa position vis-à-vis du géant chinois des télécoms, accusé d'espionnage pour le compte de Pékin.

Le Premier ministre conservateur Boris Johnson a présidé mardi le conseil de sécurité national (NSC) qui a scellé le sort de Huawei dans le réseau britannique.
Le gouvernement britannique a annoncé mardi qu'il allait exclure le géant chinois des équipements télécoms Huawei de son réseau 5G en raison d'un risque pour la sécurité du Royaume-Uni, un durcissement de position risquant d'exacerber les tensions avec Pékin.
L'achat de nouveaux équipements Huawei sera interdit dès la fin 2020 et les équipements existants devront être retirés d'ici à 2027, a déclaré le ministre chargé de la Culture et du Numérique, Oliver Dowden, à la chambre des Communes à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité nationale (NSC) présidée par le Premier ministre conservateur Boris Johnson.
«Le meilleur moyen de sécuriser notre réseau est que les opérateurs cessent d'utiliser les équipements Huawei pour construire le futur réseau 5G britannique», a souligné le ministre.
«Moyen de sécuriser»
Londres était soumis depuis des mois à des fortes pressions de l'administration Trump, qui accuse Huawei d'espionnage pour le compte de Pékin, ce que nie le groupe chinois.
Selon Oliver Dowden, les sanctions américaines imposées en mai au géant chinois, destinées à couper l'accès de Huawei aux semi-conducteurs fabriqués avec des composants américains, ont pesé dans la décision britannique.
Malgré plusieurs mises en garde américaines, le gouvernement britannique avait permis en janvier au géant des télécoms chinois de construire jusqu'à 35% de l'infrastructure non stratégique nécessaire pour déployer le nouveau réseau 5G du pays.
Mais face à la grogne de Washington et de députés conservateurs, le gouvernement avait laissé entendre qu'il durcirait sa position, mettant en avant le risque sécuritaire que peut représenter la présence de l'équipementier dans ses infrastructures.
Les patrons des opérateurs téléphoniques, comme ceux de BT et Vodafone, ont averti qu'un retrait total des équipements Huawei du réseau britannique serait «impossible» sous dix ans et risquerait d'occasionner des pannes et problèmes de sécurité.
«L'avenir de la stratégie numérique»
La semaine dernière, Huawei avait assuré que son exclusion affecterait «l'avenir de la stratégie numérique (...) du Royaume-Uni», affirmant qu'un retard de deux ans coûterait à son économie 29 milliards de livres (soit environ 32 milliards d'euros au cours actuel).
Boris Johnson avait fait de l'amélioration du réseau de télécoms britannique une promesse de campagne.
Les relations entre le Royaume-Uni et la Chine se sont déjà tendues ces dernières semaines avec l'entrée en vigueur d'une loi controversée sur la sécurité, imposée par Pékin à Hong Kong et dénoncée par Londres.
Downing Street a promis d'étendre les droits à l'immigration, et à terme l'accès à la citoyenneté britannique, pour des millions d'habitants de son ex-colonie, une mesure dénoncée par la Chine comme une «ingérence grossière» dans ses affaires intérieures.
Cinq choses à savoir sur Huawei
Qu'est-ce que Huawei?
Fondé en 1987 à Shenzhen (sud) par un ex-ingénieur de l'armée chinoise, Ren Zhengfei, Huawei est un géant des télécommunications, présent dans 170 pays, revendiquant 194.000 employés, et dont le bénéfice net l'an dernier a dépassé les 8 milliards d'euros.
Son expansion géographique et ses lourds investissements en recherche et développement -- plus de 15% de ses revenus -- l'ont positionné comme un acteur-clé de la 5G (génération ultrarapide de l'internet mobile).
Le passé militaire de Ren Zhengfei, son appartenance au Parti communiste et une culture d'entreprise opaque chez Huawei ont alimenté les soupçons sur l'influence du régime chinois.
Accusations démenties par Huawei, qui martèle être un groupe privé dont le capital appartient entièrement à ses employés.
Les Etats-Unis à l'offensive
Les Etats-Unis ont fait de Huawei une affaire personnelle et les accusations à l'encontre du groupe chinois sont nombreuses.
Cela va d'un non-respect de l'embargo à l'encontre de l'Iran à des accusations d'espionnage industriel et de vol de technologies, le tout sur fond de bras de fer technologique et commercial entre Washington et Pékin. Les services de renseignement américains craignent avant tout que Huawei ne permette aux autorités chinoises d'utiliser ses équipements pour surveiller les communications et trafics de données des Etats-Unis. Huawei assure qu'il refuserait toute demande de ce type émanant du renseignement chinois.
L'Europe partagée
La position européenne oscille entre volonté de ne pas froisser l'allié américain et celle de ne pas braquer la Chine.
En France, l'équipementier chinois ne fera pas l'objet d'une interdiction totale du marché de la 5G, mais les opérateurs utilisant déjà Huawei auront des autorisations d'exploitation limitées à huit ans.
En Allemagne, le sujet n'a pas été tranché. Si certains politiques prônent des critères de sécurité qui excluraient de fait Huawei, la chancelière Angela Merkel redoute, elle, des conséquences sur les échanges commerciaux avec la Chine.
Une cadre dans le collimateur
Le 1er décembre 2018, la directrice financière de Huawei et fille du fondateur du groupe est arrêtée à la demande des autorités américaines lors d'une escale à l'aéroport de Vancouver au Canada.
Meng Wanzhou, considérée comme possible future dirigeante de Huawei, est accusée d'avoir menti pour contourner les sanctions américaines contre l'Iran.
Ce délit est passible de plus de 30 ans de prison aux Etats-Unis, pays vers lequel elle est menacée d'extradition. Son arrestation au Canada a provoqué une crise sans précédent entre Ottawa et Pékin, qui a arrêté deux Canadiens quelques jours plus tard, les accusant d'espionnage.