BruxellesL’UE revoit sa copie du plan de relance pour arracher un accord
Le président du Conseil européen Charles Michel ajuste la répartition des fonds pour convaincre les pays réticents à «arroser» les membres pour les remettre sur pieds après la pandémie.

Les dirigeants européens, en désaccord sur le plan de relance, risquent de devoir prolonger leur séjour à Bruxelles jusqu'à dimanche.
Une nouvelle proposition sur un plan massif de relance post-coronavirus a été soumise samedi aux dirigeants européens réunis en sommet à Bruxelles. Elle donne des gages aux pays dits «frugaux», qui bloquent tout compromis.
Cette proposition du président du Conseil européen Charles Michel a été présentée dans la matinée lors d'une réunion entre la chancelière allemande Angela Merkel, le président français Emmanuel Macron et leurs homologues néerlandais Mark Rutte, espagnol Pedro Sanchez et italien Giuseppe Conte, en présence de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.
Elle a pour objectif d'infléchir la position des quatre Etats «frugaux» – Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suède – en leur offrant des concessions. La répartition entre subventions et prêts est modifiée, ainsi que sur les conditions qui encadrent le versement de l'argent.
Le nouveau projet prévoit toujours un plan de 750 milliards d'euros, mais désormais composé de 300 milliards de prêts et 450 milliards de subventions – qui n'auront pas à être remboursés par les bénéficiaires – contre 250 milliards de prêts et 500 milliards de subventions initialement. Les «frugaux» préfèrent nettement les prêts aux subventions.
Mécanisme d'alerte
Il prévoit également un mécanisme permettant à un pays qui aurait des réserves sur le plan de réforme présenté par un autre Etat d'ouvrir «dans les trois jours» un débat à 27, soit devant le Conseil européen, soit devant l'Ecofin, qui réunit les ministres des Finances de l'UE.
«Cela permet à un Etat de tirer le signal d'alarme, de déclencher une discussion supplémentaire sur les conditions de versement et de la porter au niveau politique», a commenté Eric Maurice, de la Fondation Schuman.
Cette idée répond au souhait du Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, qui a exigé vendredi que ces plans nationaux soient validés à l'unanimité des 27. Cette demande avait été jugée «politiquement difficile à avaler» par une source diplomatique, qui résume la position d'une majorité d'Etats membres.
Voici ce que rapporte la correspondante de la RTS à Bruxelles.
«Ambiance fiévreuse»
Dernière concession: Charles Michel propose d'accroître certains «rabais» accordés aux pays qui versent davantage d'argent au budget de l'UE qu'ils n'en reçoivent, ce dont bénéficient les quatre Etats frugaux. La Haye, Vienne, Copenhague et Stockholm réclamaient ces ristournes supplémentaires.
C'est la première fois en cinq mois, en raison de la pandémie de Covid-19, que les chefs d'Etat et de gouvernement se retrouvent physiquement à Bruxelles. Le sommet a repris samedi peu après 12h00.
De l'aveu même de M. Rutte, la première journée, vendredi, s'est achevée «dans une ambiance quelque peu fiévreuse», «ce qui n'est pas vraiment bon signe». En cause, sa position jugée trop dure sur le contrôle des fonds, et plus globalement les réticences des trois autres «frugaux» sur ce plan de relance, adossé au budget à long terme de l'UE (2021-2027) de 1074 milliards d'euros.
Italie et Espagne
Ces pays, rejoints par la Finlande, ont de profondes réserves sur cette proposition, qui devrait profiter avant tout à l'Italie et l'Espagne, deux Etats très affectés par la pandémie, mais qu'ils considèrent comme les plus laxistes en matière budgétaire.
L'Autriche «rejette clairement la proposition actuelle», a insisté vendredi soir le chancelier autrichien Sebastian Kurz. «Nous voulons bien sûr faire preuve de solidarité, mais nous avons également les intérêts des contribuables autrichiens à l'esprit», a-t-il tweeté.
Les réformes exigées par les pays du Nord (marché du travail, retraites...) en contrepartie des aides font en outre bondir les Etats du sud, qui craignent de se soumettre à un programme imposé par d'autres, comme la Grèce dans le passé.
L'unanimité des Etats membres étant requise, les discussions pourraient être longues et difficiles samedi, voire se prolonger jusqu'à dimanche.