CritiqueMadonna, rebelle de corps et d'esprit
La superstar est de retour demain avec «Rebel Heart». Un 13e album studio qui lui ressemble enfin et qui ne décevra pas. Un regret toutefois: sa tournée ne passera pas par la Suisse.
- par
- Caroline Piccinin

Entre ses vacances à Gstaad, sa rencontre autour d'un petit noir avec Marine Le Pen, ses remerciements au FBI qui a retrouvé un méchant pirate, son câlin à Luz et sa vilaine chute aux Grammy Awards, on en oublierait presque pourquoi on parle de Madonna ces jours. Oui, entre deux, trois buzz, une dizaine de photos Instagram et après la fuite sur le Net d'une bonne partie de ses nouveaux morceaux, la chanteuse sort enfin demain «Rebel Heart», son 13e album.
L'appréhension du jeunisme
Quand une star de son envergure revient avec un disque, c'est un tiraillement entre l'excitation et la crainte. On se rappelle la douloureuse découverte en 2012 de «MDNA», dans lequel Louise Ciccone – son vrai nom – n'avait plus rien d'authentique. On avait presque pitié, à la mi-temps du Super Bowl, de la voir déguisée en pom-pom girl, corps ultramusclé et visage tiré en train de se débattre entre deux jeunettes, M.I.A. et Nicki Minaj. En fait, on l'avait déjà perdue en 2008 avec «Hard Candy» alors qu'elle essayait de se mettre à la page en flirtant avec les producteurs en vogue. Au moment d'appuyer sur «play», on retient son souffle et «Living for Love» commence. Une explosion pop qui sonne bon les années 1990. Le titre produit par Diplo – un DJ producteur qui est aussi le chéri de Katy Perry – nous rappelle à «Ray of Light». Un délice d'introduction où l'on retrouve Madonna qui fait du Madonna. Suspense pour les 18 titres à suivre pour la version «deluxe».
Madonna n'est pas «has been» quand elle fait du Madonna
«Rebel Heart» aborde les thèmes qui sont chers à la chanteuse. L'amour, la religion, l'insoumission, un peu de «S.E.X.» aussi et quelques punchlines, histoire de perdurer dans la controverse. «Yeezus Loves My Pussy Best» oui, dans «Holy Water» la madone fait référence au goût de Jésus pour son intimité dans ce titre héritier d'«Erotica». A moins d'un clin d'œil à l'autoproclamé Yeezus alias Kanye West, qui est à la production de ce morceau et d'un autre, «Illuminati». Titre illuminé que l'on virerait volontiers de ce disque, avec au passage «Body Shop» et «Unapologetic Bitch», fastidieux à écouter.
Heureusement, sa voix, celle qu'on aime et qu'on sait pas parfaite, on la retrouve sans des tonnes d'effets numériques dans pas mal de chansons. Pleine de douceur et de fragilité dans «HeartBreakCity», produit par Avicii, un Suédois petit génie de la musique, Madonna évoque à fleur de peau la rupture amoureuse. «Messiah» nous rappelle les ballades de ses belles années. «Ghosttown» réussit presque le pari, si l'indulgence pardonne un excès d'effet. Vulnérable, elle l'est aussi dans «Joan Of Arc», où elle se compare à Jeanne d'Arc. Sauf qu'elle s'estime, ici, mise au bûcher par la critique.
Un retour aux sources
Comme un ultime pied de nez à ses détracteurs, la chanteuse de 56 ans n'a plus peur de regarder dans le rétro, ni dans son ego. Elle sample ces anciens titres dans ses nouveaux, notamment «Vogue» et «Justify My Love». Dans «Veni Vidi Vici», avec le rappeur NAS, on entend les chœurs de «Holiday» un de ses tout premiers succès, en 1983.
Au final, comme elle le fait comprendre dans «Iconic» et «Bitch I'm Madonna», on peut le dire: la reine est de retour, montez le son!