ElectricitéMaillard et Brélaz veulent freiner la libéralisation
Alpiq cherche à vendre 49% de ses participations dans les barrages pour continuer sa politique de désendettement.

Barrage dans le canton des Grisons.
Vendre les barrages fait frémir les Romands. Pour Pierre-Yves Maillard, c'est le moment de tirer le frein à main dans le processus de libéralisation du secteur de l'électricité. Selon lui, la clé est à Berne, et pas dans les régions.
«Le groupe reste majoritaire. La priorité est de vendre aux actionnaires qui sont aussi des sociétés de forces hydrauliques. L'hydraulique va continuer, mais les cantons alpins devront faire des sacrifices financiers sur les redevances», dit pour sa part Daniel Brélaz, syndic de Lausanne.
Le conseiller d'Etat valaisan Jean-Michel Cina y est aussi allé de sa proposition. Il souhaite permettre aux collectivités publiques du canton de reprendre 60% des barrages.
Un tiers de l'énergie produite par Alpiq vient du nucléaire, aujourd'hui déficitaire sur le marché. Pour le Vert lausannois, cette énergie est en bout de course: «Avec le nucléaire, c'est face tu perds, et pile, tu perds aussi».
Politique malheureuse
Pour lui comme pour Pierre-Yves Maillard, le sort d'Alpiq dépend avant tout des décisions prises sous la Coupole. «Je regrette que cette malheureuse politique de libéralisation aboutisse à ce qu'on avait prévu», a expliqué le président du Conseil d'Etat vaudois.
Les deux Vaudois mettent en garde contre la libéralisation des 40% restants du marché en Suisse, ce qui finirait d'achever les sociétés helvétiques. Vaud, mais aussi Genève, s'étaient singularisés face aux autres cantons suisses, qui soutiennent l'ouverture complète du marché de l'électricité en 2018.
Les Romands sont en première ligne avec Alpiq. La Ville de Lausanne possède indirectement, à travers EOS Holding, 6% d'actions de ce groupe. La Ville de Genève y a participation équivalente. De leur côté, le Groupe E (canton de Fribourg) et Romande Energie (Vaud) possèdent environ 7% et 9% d'actions.
Au-dessous du prix de revient
Avant la libéralisation, le prix de l'électricité devait se fixer vers 7 centimes le kilowattheure (kWh), selon les experts. Or, il se situe aujourd'hui à 2 ct./kWh sur le marché européen. Ce prix est largement au-dessous du prix de revient de l'hydraulique en Suisse, qui oscille entre 6 et 7 ct./kWh.
Avec près de 700 sociétés électriques en Suisse, ce secteur ressemble à une mosaïque, une configuration qui n'est pas bonne pour une libéralisation. «Face aux mastodontes européens, vouloir continuer d'aller dans cette voie, c'est évidemment du suicide», a poursuivi le socialiste qui avait mené la campagne contre l'ouverture du marché de l'électricité lors d'un référendum accepté par le peuple en 2002.
Le socialiste pense qu'un renversement de tendance est possible à Berne où le Parlement débat actuellement de la politique énergétique: «Nous sommes mûrs pour un grand 'aggiornamento' idéologique.»
«Nous voulons sortir du nucléaire, mais les élus à Berne s'interdisent d'utiliser toutes les ressources de leur boîte à outils,», poursuit Pierre-Yves Maillard. Pour lui, " il faut recommencer à utiliser des concepts comme monopole, domaine réservé ou quota sans grimper aux rideaux.»
Pas tous à la même enseigne
Toutes les entreprises électriques ne connaissent pas le sort d'Alpiq. Celles qui possèdent l'accès au consommateur final dans le secteur réservé accumulent des «excédents énormes». «C'est sûr que ces entreprises devront être impliquées dans la solution», a-t-il souligné.
«Peut-être que ce n'était pas une très bonne chose que de séparer une entreprise de production de la distribution. Ce sont des choix qui ont été faits il y a très longtemps, déjà avec EOS et qui ont encore été renforcés avec la création d'Alpiq», conclut le Vaudois.