EcransMalaise autour de la cyberaddiction
L'usage excessif des nouvelles technologies est souvent le parent pauvre de la prévention. La faute au flou créé par un débat d'experts sur son nom.
- par
- Fabien Feissli

L'usage excessif d'écran par les jeunes est un vrai problème, mais est encore trop mal défini.
Sexting, cyberharcèlement, protection des données, gestion de son identité. Lors de son discours d'introduction hier à Berne dans le cadre du programme «Jeunes et Médias», Alain Berset (lire ci-dessous) a évoqué la plupart des problématiques liées aux nouvelles technologies. Il y en a pourtant une qui, comme souvent, n'a pas été mentionnée: la cyberaddiction. Et pour cause. Les spécialistes de la question eux-mêmes ont de la peine à se mettre d'accord sur le sujet. «De mon point de vue, la cyberaddiction n'existe pas», assure Philippe Stephan, pédopsychiatre au CHUV. «C'est une addiction à part entière qu'il ne faut pas minimiser», répond Nathalie Arbellay, chargée de projet auprès du Groupement Romand d'Etude des Addictions.
Elle souligne qu'un usage excessif d'écran amène une souffrance pouvant conduire à l'échec scolaire et à la rupture sociale. «Cela concerne également les jeunes adultes. On peut observer un manque de sommeil, une irritabilité prononcée ou une perte de concentration», détaille-t-elle.
2% des Suisses touchés
Des souffrances reconnues par Philippe Stephan. «Le problème, c'est l'usage erroné du terme addiction», précise le pédopsychiatre. Il souligne que cela ne correspond pas à la définition médicale, notamment parce qu'il n'y a pas de manque physique. «Il ne faut surtout pas que les parents disent aux adolescents qu'ils sont addicts. Ils ne vont pas comprendre», assure-t-il. Une incompréhension qui pourrait causer une rupture de confiance, selon lui.
Chargé de projet au centre de prévention du jeu excessif «Rien ne va plus», Niels Weber n'est lui non plus pas très à l'aise avec le terme de cyberaddiction. «Mais je l'utilise comme porte d'entrée pour toucher le grand public», explique le psychologue. Lui préfère parler d'hyperconnectivité problématique. Un phénomène qui toucherait 2% de la population suisse, et pour lequel il est régulièrement consulté. «S'il y a débat sur le terme, on est tous d'accord sur l'importance du sujet», souligne-t-il.
Un sujet qui ne reçoit pourtant pas l'attention qu'il mérite. «Le problème, c'est que comme il y a un flou autour du phénomène, on n'en parle pas beaucoup», regrette Niels Weber. Surtout que d'autres défis sont plus faciles à appréhender. «Les politiciens sont plus sensibles aux questions de sexting ou de cyberharcèlement parce que les conséquences sont visibles», détaille-t-il. Véritable problème de société, l'usage excessif des nouvelles technologies doit être au cœur du débat. Et pas seulement de celui qui concerne son nom.