Amérique du SudMandat d’arrêt contre l’ex-présidente par intérim en Bolivie
L’enquête sur un présumé coup d’État contre l’ancien chef de l’État Evo Morales a débuté en Bolivie. D’anciens ministres ont été arrêtés.

Jeanine Añez, à La Paz, en Bolivie, le 17 septembre 2020.
Le parquet bolivien a ordonné vendredi l’arrestation de l’ex-présidente par intérim Jeanine Añez et de plusieurs de ses ministres pour «sédition» et «terrorisme» dans le cadre d’une enquête sur un présumé coup d’État contre l’ancien chef de l’État Evo Morales.
L’ancienne présidente conservatrice, à la tête du pays de novembre 2019 à novembre 2020, a elle-même diffusé sur Twitter une photo du mandat d’arrêt émis par le parquet, accompagnée du commentaire: «La persécution politique a commencé». Le parquet ne s’est pas encore prononcé officiellement sur ce mandat d’arrêt, mais une conférence de presse est programmée vendredi.
Deux anciens membres du gouvernement ont d’ores et déjà été arrêtés dans la ville de Trinidad (nord-est), les ex-ministres de l’Énergie et de la Justice, Rodrigo Guzman et Alvaro Coimbra, selon des images retransmises par des télévisions locales. Le lieu où se trouve actuellement l’ancienne présidente par intérim est inconnu, bien que des images télévisées montrent une forte présence policière devant sa résidence à Trinidad, à 600 km de La Paz.
L’enquête ouverte par le parquet fait suite à une plainte déposée en décembre par une ancienne députée du parti d’Evo Morales (2006-2019), Lidia Patty. L’ancienne parlementaire du Mouvement vers le socialisme (MAS) accuse Jeanine Añez, d’anciens ministres, responsables militaires et policiers d’avoir renversé en novembre 2019 Evo Morales. Elle a déposé plainte pour «sédition», «terrorisme» et «conspiration».
«Le MAS a décidé de revenir aux habitudes de la dictature. C’est dommage car la Bolivie n’a pas besoin de dictateurs, elle a besoin de liberté et de solutions», a ajouté sur Twitter Jeanine Añez, une ancienne sénatrice de droite. «Nous avons dit que nous nous soumettrons toujours à la loi», a déclaré l’ancien ministre de la Justice Alvaro Coimbra au moment de son arrestation, dénonçant l’«affaire montée de toutes pièces du coup d'État».
Violences post-électorales
Le mandat d’arrêt concerne plusieurs autres ministres du gouvernement par intérim: Yerko Nuñez (Présidence), Arturo Murillo (Intérieur) et Luis Fernando López (Défense). Ces deux derniers ont quitté le pays en novembre et selon Interpol-Bolivie se trouveraient actuellement aux États-Unis. Il cible aussi les anciens commandants militaires, William Kaliman et Sergio Orellana, ainsi que l’ex-chef de la police Yuri Calderon.
La plainte vise aussi le dirigeant régionaliste de Santa Cruz (est), Luis Fernando Camacho, qui a joué un rôle clé dans les manifestations ayant conduit au départ d’Evo Morales. Élu gouverneur dimanche, il ne fait toutefois pas l’objet d’un mandat d’arrêt. Dans un message envoyé au président de gauche Luis Arce l’accusant de «persécution politique» il a prévenu que «les Boliviens ne resteront pas inactifs face aux abus».
Les anciens présidents boliviens Carlos Mesa (2003-2005) et Jorge Quiroga (2001-2002), acteurs clés de la transition de pouvoir à Jeanine Añez en 2019, ont séparément dénoncé les arrestations et mandats d’arrêt. «Nous sommes dans un processus de persécution politique pire que dans les dictatures. Il est exécuté contre ceux qui ont défendu la démocratie et la liberté», a déclaré le centriste Carlos Mesa sur Twitter. Sur le même réseau, Jorge Quiroga (droite) a estimé que «la chasse à la revanche est lancée» et a traité le président Arce d’«apprenti tyran».
35 morts
À l’issue de l’élection présidentielle d’octobre 2019, au cours de laquelle Evo Morales briguait un quatrième mandat, et de la confusion qui avait entouré les résultats le donnant vainqueur, l’opposition avait crié à la fraude. Une explosion de violence dans tout le pays avait suivi ces élections, finalement annulées.
Sur fond de manifestations qui avaient fait 35 morts, police et armée avaient retiré leur soutien à Evo Morales. Ce dernier a finalement démissionné avant de prendre le chemin de l’exil au Mexique puis en Argentine. Jeanine Añez, deuxième vice-présidente du Sénat, avait prêté serment le 12 novembre 2019. Le parti d’Evo Morales avait alors dénoncé un «coup d’État».
Evo Morales est ensuite revenu dans son pays après la victoire de son dauphin Luis Arce à la présidentielle d’octobre 2020. Des enquêteurs de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) sont actuellement en Bolivie pour enquêter sur les violences de fin 2019.