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Guy Bedos«Marine Le Pen ne va pas s'arrêter là…»

A l'occasion de son 80e anniversaire demain, Guy Bedos ne baisse pas la garde et reste un observateur avisé de la politique française. Rencontre exclusive avec «Le Matin».

Propos recueillis par Serge Bressan
Paris
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Propos recueillis par Serge Bressan
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Paris
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Il a souhaité une bonne fête à Paulette, il a dragué lourdement une belle blonde… et chaque fois qu'il est monté sur scène, il a fait sa revue de presse. Ce 15 juin 2014, il fête ses 80 ans et avoue sa plus grande fierté: être en vie! La preuve: quand il commente le monde politique français, tous de droite et de gauche en prennent plein la tête.

Vous avez fait vos adieux au one-man-show à l'Olympia de Paris en décembre 2013. Ça doit vous donner des regrets quand vous regardez le monde politique français…

Pas de regrets, non… Mais, tous là, ils me font marrer. En ce moment, entre autres activités, j'écris mon journal non daté, j'écris sur tout, ma vie, la société, les politiques, François Hollande, etc. Ça paraîtra à la fin de l'année et ça me ressemblera.

Homme de conviction, vous avez songé, un jour, à vous engager en politique?

J'ai trop vu des politiques pour avoir envie de les rejoindre. Je n'ai jamais été encarté dans un parti. J'ai une seule carte, celle de la Ligue des droits de l'homme! J'ai refusé la Légion d'honneur parce que je suis de ces clowns qui préfèrent le rouge qu'on met sur son nez à celui qu'on porte à la boutonnière… et jusqu'à la fin, je resterai un pacifiste.

Vous ne vous en êtes jamais caché, vous avez toujours été un «homme de gauche»…

…et je le demeurerai jusqu'à la fin de mes jours. Bon, c'est vrai, la droite, la gauche, c'est fait pour ceux qui marchent au pas. Et moi, je suis libre… En 2012, j'ai soutenu François Hollande pour l'élection présidentielle. Mais aujourd'hui, je suis triste: François Hollande n'est pas de gauche. D'ailleurs, la gauche, ça n'existe pas. Il n'y a que des preuves de gauche… En même temps, au fil du temps, j'ai compris que les hommes politiques sont toujours décevants. Même Barack Obama. Pourtant, un Noir à la Maison-Blanche, c'était très esthétique…

Pendant cinq ans (2007-2012), Nicolas Sarkozy président, ça vous a bien inspiré!

Pas seulement moi! Sarkozy, il a inspiré tous les humoristes quand il était à l'Elysée. Moi, je ne l'ai jamais appelé par son nom, je parlais de Tom Pouce, de Nabot-léon… Bon, je dois quand même dire qu'il a essayé de me «kouchnériser» (ndlr: du nom de Bernard Kouchner, homme politique de gauche, ministre des Affaires étrangères pendant le quinquennat Sarkozy, 2007-2012). Il est malin, Sarko, pas intelligent mais malin. Le problème, c'est que ça se voit et ça, ce n'est pas malin. Bon, maintenant, j'attends que Sarkozy passe par la case prison, il a tellement de casseroles accrochées au cul! Il ne se passe pas un jour sans que de nouvelles révélations sortent à son sujet.

Le 25 mai dernier, la France politique a connu un séisme: le Front national a récolté 26% des suffrages et, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République depuis 1958, est arrivé en tête des élections pour le Parlement européen…

Déjà, si j'apprenais que mes enfants ont un jour voté pour ce parti et étaient devenus «réacs», je les verrais moins, c'est tout… Bon, de ce côté-là, je ne suis pas trop inquiet. Mais moi qui suis depuis toujours viscéralement antiraciste, moi qui ai joué Hitler sur scène dans «La résistible ascension d'Arturo Ui» de Bertolt Brecht, je dis très sérieusement qu'il devrait y avoir, comme il existe un permis de conduite, un permis de vote avec un petit examen. Parce que, quand je regarde ce qui se passe en France en ce moment, j'ai honte. Parce que Marine Le Pen ne va pas s'arrêter là. Entre les scandales de la droite et les maladresses de François Hollande et des siens, on est en train de lui faire une autoroute, à cette Marine… On sait bien que son discours économique ne tient pas la route, mais comme Hitler en Allemagne dans les années 1920, elle fait croire qu'on résoudra la crise en virant les étrangers, les Noirs et les Arabes. Ce n'est même plus de la démagogie, c'est pire que ça…

Une seule solution, la révolution?

Oui, la révolution… de velours. Et puis, l'humour, encore, toujours. L'humour désespéré, «la politesse du désespoir» comme disait le philosophe Kierkegaard. Il avait raison, ce con! Dans l'humour, il y a toujours quelque chose de triste, de violent. L'humour, c'est une langue de résistance face au pouvoir, face aux saloperies de la société…

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