Publié

AscensionMelania Trump, propulsée First Lady, reste une immigrée dans l'âme

Élevée dans une famille modeste dans un État communiste, elle vit désormais au sommet d'une tour, pendant que son mari fait trembler la Maison-Blanche. Sa vie est un roman.

par
Anne-Catherine Renaud
Pour l'arrivée du premier ministre japonais en Floride, le 10 février, Melania portait un chemisier noir et un pantalon blanc taille haute et ceinturé. Une tenue qui rappelle celle de Jackie Kennedy à l'aéroport de West Palm Beach, en 1973.

Pour l'arrivée du premier ministre japonais en Floride, le 10 février, Melania portait un chemisier noir et un pantalon blanc taille haute et ceinturé. Une tenue qui rappelle celle de Jackie Kennedy à l'aéroport de West Palm Beach, en 1973.

Joe Raedle/Getty

Ouvre-t-elle encore parfois l'album de son enfance, histoire de montrer à Barron, son fils de 10 ans, comment ont vécu ses grands-parents originaires des pays de l'Europe de l'Est? Melania Trump, si distante, si énigmatique, est un personnage presque irréel dont le spectaculaire physique appelle à la caricature, à côté d'un mari vieillissant à la mèche jaune pâle et au physique de Barbe-Bleue. Nous, femmes indépendantes et libres, on s'interroge: Melania est-elle une épouse à l'ancienne, apprêtée comme une potiche dans l'ombre d'un macho? Mais gare au miroir qui se brise et laisse apparaître sur ses fragments éparpillés les visages différents d'une femme bien plus complexe qu'on ne le pense. «Ne me plaignez pas trop. Je suis bien plus forte qu'on ne croit», a lancé la femme aux yeux de panthère au journaliste Anderson Cooper sur CNN. Ne vous y trompez pas: le sculptural mannequin d'origine slovène a le sens de la repartie.

Sûr, Melanija Knavs, née le 26 avril 1970, dans la petite localité de Novo Mesto – littéralement «Nouvelle Ville» – en Slovénie, à l'époque encore République socialiste au sein de l'ex-Yougoslavie, a pris une sacrée revanche sur ses origines. À l'époque, son père, Viktor Knavs, membre du Parti communiste sous le maréchal Tito, est vendeur de voitures, et sa mère, Amalija, est première d'atelier dans une usine de textiles où elle dessine des motifs. La famille ne roule pas sur l'or et habite, pour commencer, un modeste logement dans un HLM sans charme. Puis son père – qui affiche en privé ses ambitions capitalistes et s'enorgueillit de conduire une Mercedes – construit une résidence secondaire de deux étages dans la banlieue de Svenivca, petite ville industrielle d'environ 5000 habitants au bord de la Save, dominée par un petit château médiéval. Les parents de Melania se partagent aujourd'hui entre cette maison et l'appartement mis à leur disposition à New York, dans la Trump Tower où vit leur fille.

Studieuse et accro au tricot

Melania a une grande sœur de deux ans plus âgée qu'elle, Ines, avec laquelle elle entretient, encore aujourd'hui, un lien fusionnel. Celle-ci vit d'ailleurs discrètement dans un petit appartement à deux pas de la Trump Tower et n'apparaît jamais sous les projecteurs. Enfants, les deux filles ont rêvé ensemble de faire carrière dans la mode, bercées par les récits de leur maman, qui rapportait des magazines de ses voyages professionnels en France et en Italie.

Bonne élève au lycée, Melania suit des cours de photographie et souhaite devenir designer. Comme son père, elle voudrait faire fortune. Mais elle n'en parle même pas à sa voisine et camarade de classe Mirjana Jelancic. «Melania était studieuse et appréciait tout ce qui avait trait à l'art et au design, confie cette dernière au Daily Mail. Elle aimait tricoter, reprendre de vieux habits ou des baskets et leur donner un coup de jeune. Dans la cour d'école, elle jouait aussi le rôle de médiatrice lors de disputes. C'était une forte personnalité, mais elle restait très discrète.»

Difficile d'établir un faisceau de dates précises sur son parcours: la vie de Melania comporte des zones d'ombre, comme des voiles tirés sur son tracé. Rien d'étonnant quand on vit dans un pays privé de liberté, sous un régime totalitaire. L'ambitieuse a été à bonne école. Quand elle commence des études de design et d'architecture à l'université, elle déménage avec sa famille dans un appartement de Ljubljana, aujourd'hui capitale de la Slovénie. Or, contrairement à ce qui avait été dit, elle n'est pas diplômée. Deux journalistes slovènes l'ont révélé l'an dernier dans une biographie. Alors Melania, qui sait passer de petits arrangements avec la vérité, a tout simplement retiré toute trace de son CV sur Internet. En fait, repérée à 21 ans dans la rue par le photographe slovène Stane Jerko, elle saisit sa chance et s'envole en 1991, avec sa sœur, pour Milan, où elle perce comme top model. Elle a beau devenir mannequin international, sa carrière ne décolle pas. Mais lors d'une Semaine de la mode à New York, elle est remarquée par son futur époux, Donald Trump. Elle a 28 ans et lui, à 52 ans, est encore marié à Marla Maples, sa seconde épouse. On raconte qu'elle a d'abord repoussé ses avances, rechignant à lui donner son numéro de téléphone. Mais huit ans plus tard, le 22 janvier 2005, elle l'épouse à l'église, à Palm Beach en Floride. Telle Peau d'Âne reconvertie en Blanche-Neige, celle qui est aujourd'hui la première First Lady à avoir posé nue (à 25 ans, devant le photographe bordelais Alé de Basseville), porte pour l'occasion une robe Dior à 200 000 dollars, dessinée par John Galliano. Un véritable chef-d'œuvre qui a nécessité près de 1000 heures de travail et la pose de 1500 strass de cristal.

Et la Slovénie? Elle n'y est retournée qu'une seule fois. C'était avant son mariage, pour présenter Donald Trump à ses parents. Elle n'y est restée que trois heures… Or, à la naissance de son fils Barron, en 2006, Melania ex-Knavs a fait un don de 25 000 dollars à la maternité de Sevnica, sa ville d'origine dont elle a gardé l'accent.

«Melania ne fait aucune faute de goût, mais son style est ennuyeux»

On admire son élégance, son port de mannequin et son tour de taille impeccable. Mais y a-t-il un «style Melania Trump»? Selon l'expert en mode Stéphane Bonvin, l'ex-top model sait se mettre en valeur. Or cela ne fait pas tout. Il porte sur elle un œil analytique. «Il y a un vrai travail derrière les tenues de Melania Trump. On la dirait guidée par la peur du faux pas. Elle n'est pas dans le «show off», mais dans le bien comme il faut. Du coup, son style est tellement ennuyeux!» Selon le spécialiste fashion, sa manière de s'habiller s'apparente à celui d'une femme qui a réussi. Elle est dans le contrôle. «Melania Trump, c'est Bree Van de Kamp, l'héroïne de «Desperate Housewives», version «Dallas»! Elle porte le vêtement de la femme W.A.S.P (White Anglo-Saxon Protestant, ndlr) , les très chics protestants américains. Comme si elle voulait montrer aux copines de son village qu'elle a gravi toutes les marches du succès.»

Dans l'ombre de son mari, Donald, Melania exprime par son style la volonté d'asseoir son pouvoir et sa légitimité. «Elle semble vouloir dire: «Hep, je suis la femme du milliardaire!» analyse Stéphane Bonvin. Mais on garde l'impression d'une Miss de province qui ne porte pas de vêtements étonnants et qui est complètement soumise à son époux fortuné.» Sûr, même si sa plastique est irréprochable, Melania Trump s'inscrit dans la maîtrise, la légitimité et la conformité. Sophistiquées et mettant en valeur ses courbes ou son décolleté avantageux, les tenues de Melania Trump sont clairement celles d'une femme qui ne travaille pas. «Ses vêtements en blanc, crème ou rose pâle sont salissants. Melania donne l'image d'une oisive qui a des problèmes domestiques et de lévriers afghans, reprend Stéphane Bonvin. Elle ne bouge pas un cil, elle est immobile, comme statufiée.»

«Melania a beau porter un tailleur bleu comme Jackie Kennedy, elle ne lui ressemble en rien. Jackie détonnait à son époque. Elle a ouvert la voie à l'élégance à la française à la Maison-Blanche en s'habillant en Chanel et en Givenchy.» Comme pour montrer que la vieille Europe avait encore des choses à apprendre aux Américains. Pour l'expert mode, chacune des robes de Michelle Obama était un manifeste dont on pouvait faire la lecture. «Elle portait une robe fourreau jaune lors de l'investiture de Barack en 2009. Elle n'a pas choisi pour rien une styliste d'origine cubaine, Isabel Toledo, quitte à en choquer certains.» Alors Melania ne serait-elle qu'une copieuse? «En tout cas, elle a plagié le discours de Michelle Obama – peut-être à son insu – lors d'une allocution à Cleveland en juillet 2016…»

Ton opinion