Enterrement de l’accord-cadre«Mercredi noir», «aveu de faillite» ou «meilleure issue»
Les réactions et les formules chocs n’ont pas tardé après l’annonce par le Conseil fédéral de la fin des négociations sur l’accord institutionnel avec l’Union européenne. Florilège.
- par
- Gilles Martin
«C’est un mercredi noir» a twitté mercredi le socialiste vaudois Roger Nordmann après l’annonce du Conseil fédéral de mettre un terme aux négociations avec Bruxelles sur l’accord institutionnel après sept ans de travaux. Pour son parti, «il est regrettable que le Conseil fédéral n’ait pas examiné sérieusement d’autres voies de négociations, telles que celle proposée par le PS Suisse, soit la concession de la Suisse sur la directive européenne sur la citoyenneté en échange de garanties de l’UE sur la protection des salaires». Mais le PS va plus loin: «toutes les forces constructives doivent désormais travailler ensemble sur une politique européenne qui offre des perspectives. La question des négociations d’adhésion ne doit pas être taboue», indique-t-il dans un communiqué.
A droite aussi on regrette cette décision. «Une très mauvaise nouvelle pour la Suisse et une décision qui pose plus de questions qu’elle ne donne de réponses», résume le conseiller national PLR valaisan Philippe Nantermod. « L’ensemble du Conseil fédéral doit désormais assumer sa responsabilité et indiquer comment il compte poursuivre les relations bilatérales avec l’Union européenne», demande son parti. Les vert'libéraux qualifient cette décision d’«aveu de faillite du Conseil fédéral» après avoir «tergiversé pendant des années sur le dossier européen sans direction ni ligne claire».
La décision du Conseil fédéral est «irresponsable, froussarde et erronée», pour les Verts. «La tentative du Conseil fédéral d’affaiblir la protection salariale suisse à la faveur de l’accord-cadre s’avère une erreur stratégique fatale. Ce faisant, le Conseil fédéral a détruit en Suisse la coalition autour d’une politique européenne pragmatique qui avait rendu possibles les bilatérales», analyse le président du parti, Balthasar Glättli, qualifiant cet épilogue de «Waterloo du ministre des Affaires étrangères Cassis».
Syndicats satisfaits
Les centrales syndicales ne partagent pas le désarroi des partis de gauche et du centre. Au contraire. «Pour Travail.Suisse, une réduction de la protection des salaires et des conditions de travail en particulier aurait été inacceptable», déclare Gabriel Fischer, responsable de la politique économique de la centrale syndicale dans un communiqué. Le fait que le Conseil fédéral tire maintenant la prise est «logique et permet d'éviter une pagaille encore plus grande de la politique européenne en cas de rejet en votation populaire», poursuit-il. A cet égard, l’interruption des négociations est la «seule issue viable».
Un avis partagé par l’Union syndicale suisse qui «se félicite» de ce choix «qui garantit une protection autonome des salaires». Le prix à payer pour conclure les négociations sur cet accord-cadre aurait été «trop élevé pour les travailleuses et travailleurs de Suisse» pour la faîtière des syndicats. «Le danger pour la protection des salaires est écarté», se réjouit-elle.
«Regrets» à Bruxelles
«Nous regrettons cette décision, étant donné les progrès réalisés au cours des dernières années pour faire de l’accord-cadre institutionnel une réalité», a indiqué la Commission européenne dans un communiqué.
Patrons partagés
L’industrie est moins enthousiaste, «L’arrêt des négociations ne résoudra aucun des problèmes existants avec l’UE. Au contraire, à moyen terme, cette démarche met en péril la voie bilatérale qui a fait ses preuves», regrette Swissmem. La faîtière de l’industrie des machines exige en contrepartie des réformes en Suisse, soit la conclusion d’autres accords de libre-échange avec différents pays ainsi qu’un allègement administratif en Suisse.
L’Union suisse des arts et métiers considère pour sa part qu’il s’agit d’un «acte de bon sens». Le projet d’accord faisait «trop de concessions et n’était pas approprié pour maintenir la compétitivité de l’économie suisse», selon la faîtière des petites entreprises.
Souverainistes ravis
«Historique» s’est exclamé Roger Köppel, ténor de l’UDC zurichoise, sur les réseaux sociaux, se réjouissant au passage que les droits du peuple suisse soient préservés. Ravie aussi l’Association pour une Suisse indépendante et neutre. Dans un Tweet, elle en profite pour remercier Christoph Blocher de nous avoir «mis en garde dès le début contre cet accord».
L’UDC se dit «heureuse» de l’abandon de l’accord-cadre. «Grâce aux longs et inlassables efforts de l'UDC, l'accord institutionnel avec l'UE n'est finalement plus sur la table», a salué le président Marco Chiesa. Selon le parti, l'accord aurait signifié une perte massive de souveraineté pour la Suisse. «Aujourd'hui, le Conseil fédéral a enfin pris conscience que les négociations sur ce traité d'asservissement devaient être rompues», se félicite le parti. «C’est une victoire pour la démocratie directe», estime son président. «Néanmoins, nous devons rester vigilants. A l'avenir également, nous devons veiller à ce que le Conseil fédéral ne répète pas les mêmes erreurs que lors des négociations sur cet accord. Le principe suivant reste non négociable: il ne doit y avoir aucun accord dans lequel la Suisse se soumet au droit et aux juges de l'UE», conclut l'UDC.
Vers une initiative proeuropéenne?
Chez les pro-européens, en revanche «c’est avec effroi et consternation» que le Mouvement européen suisse a pris connaissance d’abandonner un «accord clé». Il dit étudier le «lancement d’une initiative populaire visant à garantir l’intégration européenne de la Suisse». Selon son président Eric Nussbaumer, «l’isolement n’est pas tenable pour une Suisse profondément incrustée dans le tissu européen».