FootballMessieurs les entraîneurs, il est interdit de s'énerver
Les entraîneurs de Super League n'ont plus le droit de manifester leur colère sous peine d'être expulsés. Le rouge va pleuvoir.
- par
- Nicolas Jacquier

A Bâle, le stoïque Heiko Vogel adopte l'attitude que les arbitres voudraient voir au bord du terrain.
Attention, on ne bouge plus. Les coaches de Super League ont désormais l'interdiction absolue de manifester leur colère pour évacuer leur frustration, de gesticuler théâtralement, encore moins d'afficher leur mécontentement de façon trop manifeste vis-à-vis du corps arbitral.
La mesure vise à calmer des ardeurs parfois trop véhémentes, afin de ne pas attiser le feu. Car les nouvelles directives pour la saison qui a démarré le week-end passé sont formelles: un entraîneur (pas davantage qu'une personne présente sur le banc de touche) n'a plus le droit d'exprimer un courroux excessif sous peine, après une première remontrance signifiée par le quatrième arbitre, d'être expulsé et renvoyé en tribune.
Challandes première victime
C'est ce qui est arrivé samedi dernier à Bernard Challandes, première victime de l'application aveugle d'une loi prévue par le règlement de la FIFA mais jamais formellement appliquée jusqu'à la reprise du championnat. Bienvenue dans le football aseptisé! Désormais, un coach doit encaisser une erreur d'arbitrage, un penalty oublié sans rouspéter. «On nous demande de nous tenir à carreau, de ne plus bouger…» Pour le très exubérant Neuchâtelois, c'est un effort. Il va devoir s'y plier. «Ce sera à moi de faire en sorte que l'on me voie moins. Peut-être devrais-je me coudre les mains dans les poches. Je ne veux pas pénaliser mon équipe non plus.»
Application plus stricte
Premier expulsé de la saison, Bernard Challandes ne veut pas davantage polémiquer, ce qui ne l'empêche pas d'invoquer la question de fond: «Le sport est un spectacle, l'entraîneur en fait partie. On est tous des acteurs. Si je reste assis durant tout le match et que l'on perde, que diront les gens? Si je ne ronchonne pas de temps à autre, ce n'est plus moi. C'est comme si j'étais mort.» Bouger pour exister, manifester pour transmettre un message, une irritation.
Dans les faits, les arbitres ne font que remettre au goût du jour une ancienne directive. Confirmation de Carlo Bertolini, patron des directeurs de jeu: «Les entraîneurs doivent pouvoir contenir leurs émotions. Ils pourront toujours donner des conseils. Ce que l'on veut réprimander, c'est un comportement agressif. Le problème commence dès qu'un entraîneur manifeste des critiques envers l'arbitre.» Afin de prêcher la bonne parole, les arbitres ont récemment entrepris le tour de Suisse de tous les clubs de la SFL – la Challenge League est tout autant concernée – afin de présenter l'application désormais plus stricte des directives.
A l'occasion du premier derby romand de la saison, demain à Tourbillon, Sébastien Fournier et João Alves sauront-ils maîtriser leurs émotions? «Ce n'est pas évident, répond le Valaisan. On doit donner de l'émotion. Cela passe forcément par la gestuelle, un langage corporel. J'ai le sentiment qu'en agissant ainsi la Ligue veut un football lisse, sans relief ni coup de sang. Ce faisant, elle veut nous réduire au rang de statues.» Forcément inexpressives. «Je ne me vois pas rester les mains dans les poches.»
Etre des exemples
A Lausanne aussi, Laurent Roussey apprendra à composer, à ne pas trop exploser, à réprimer ses débordements gestuels envers l'arbitre. «On nous demande d'être des exemples, même si ce n'est pas toujours facile. On peut s'énerver contre son équipe, puis, dans le feu de l'action, en vouloir à l'arbitre pour une décision qu'on estime mauvaise. Il est difficile de pouvoir se maîtriser en tout temps.»
Comme souvent, en pareil cas, tout sera, espérons-le, une question d'application, de savante diplomatie, de fin doigté, de compréhension réciproque. Usant de simple bon sens, l'arbitre devra sentir quand il doit sévir; et le coach concerné, être assez intelligent pour ne pas en rajouter inutilement. Sachant que, même déplacée, une limite reste une limite.