EmpathieMignons et bien protégés
Les Suisses sont généreux en matière de dons pour la protection des animaux. Mais surtout si ces derniers sont beaux.
- par
- Sandra Imsand
Cent millions. Voici la somme en francs des dons versés par les Suisses l'an dernier aux différentes organisations de sauvegarde des animaux, selon la NZZ am Sonntag. Une jolie somme. Le hic: certaines espèces n'en profitent pas. Les grands gagnants sont les animaux mignons ou auxquels l'être humain s'identifie. «Les fondateurs du WWF ne se sont pas trompés en choisissant un panda comme symbole», pense Pierrette Rey, porte-parole de l'association.
Un animal sympathique aura beaucoup plus de succès dans une campagne de récolte de dons. Selon Roland Bulliard, directeur du Zoo de Servion, un mammifère jouira d'un capital sympathie beaucoup plus important qu'un reptile. Et les bébés animaux provoquent, quant à eux, un gros mouvement de solidarité populaire. «Il suffit de se remémorer l'exemple de «Knut.»
Deux fois moins pour le poisson
Un gros problème pour les associations qui tentent tant bien que mal de protéger les animaux «moches». Les poissons, notamment sont les grands perdants de cette tendance. «Dans des campagnes de récolte de dons, le retour est généralement de 4%. Pour les poissons, c'est moitié moins», explique Billo Heinzpeter Studer, fondateur de l'association Fair-fish au dominical alémanique. Et pourtant, ils auraient bien besoin de dons. «Il y a 100 ans, les poissons étaient à 90% plus nombreux dans les mers qu'aujourd'hui et si rien ne change, les 10% restants auront disparu d'ici au milieu de ce siècle, explique Susanne Hagen au «Matin». La situation est dramatique et pourtant nous arrivons difficilement à obtenir des dons.»
Selon la vice-directrice de Fair-fish, il faut pouvoir éveiller un instinct de protection quasi maternel. «Or, ce n'est pas possible avec le poisson. De même, il leur manque des mimiques qui pourraient déclencher de l'empathie.» Pour cette raison, l'association ne peut pas faire appel qu'à l'émotion des donneurs potentiels, mais aussi à leur raison.
En poussant ce raisonnement jusqu'au bout, les animaux moches sont-ils condamnés à disparaître? «Il est difficile de l'affirmer, pense Pierrette Rey du WWF. Les espèces sont interdépendantes. En protégeant un environnement, plusieurs espèces en profiteront.»
Avocat des animaux, le Zurichois Antoine F. Götschel est quant à lui moins optimiste. «La protection des espèces ne devrait pas dépendre de critères de sympathie. Or, les moyens sont limités et il se peut que des choix soient faits en favorisant une espèce qui rencontre un grand soutien auprès de la population et des ONG.» Et donc, décider de sauver la baleine et le dauphin au détriment du mérou, pourtant bien plus menacé.