Jura bernois: «Mon chalet est trop joli, ils sont jaloux!»

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Jura bernois«Mon chalet est trop joli, ils sont jaloux!»

Jaugé par le Tribunal fédéral, son réduit jugé illégal sera remplacé par une remorque. Un habitant dénonce une inégalité de traitement. Rencontre.

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Le menuisier Pierre-André Guillaume doit démolir son bûcher.

Le menuisier Pierre-André Guillaume doit démolir son bûcher.

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Pour y accèder, ce résident de Diesse a conduit son tracteur.

Pour y accèder, ce résident de Diesse a conduit son tracteur.

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Vendredi dernier, le chemin des Prés-Vaillons était enneigé.

Vendredi dernier, le chemin des Prés-Vaillons était enneigé.

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Le ciel est bleu, vendredi matin, et la neige recouvre champs et chemins. «Monter aux Prés-Vaillons à pieds, avec ce qu'il est tombé cette nuit?», vous n'y pensez pas, réagit au téléphone Pierre-André Guillaume. Cet enfant du pays est en conflit avec les autorités pour un chalet de montagne et, plus encore, pour le bûcher qui lui sert de local technique. Nous l'avons rencontré.

Comme il déblaie la neige sur les chemins et les parkings, en altitude et sur appel, Pierre-André Guillaume prend son tracteur pour monter à son chalet, en passant par Nods. Le chemin longe une forêt, et là où les cantonniers ont fait demi-tour, le menuisier retraité descend sa lame pour poursuivre leur travail, plus en amont.

Temps du bonheur

Au volant de son tracteur, quand il exprime son point de vue sur l'affaire qui lui fait vivre «un enfer», Pierre-André Guillaume égraine des dates en retenant ses larmes. «J'aime ce chalet depuis que je suis gamin», dit-il en desserrant à peine les dents.

Plus tard, il fera défiler sur son smartphone les photos du temps du bonheur, à l'époque où le chalet de ses parents servait de refuge à son enfance en boguet, sur un plateau isolé entre le lac de Bienne et le Chasseral, qui culmine à 1 607 mètres.

Airs d'accordéon

Le chalet et son bûcher ont pour Pierre-André Guillaume des airs d'accordéon et des odeurs de fondue. Dans son souvenir, son père a agrandi la cabane quand lui roulait à vélomoteur à 14 ans.

Après avoir hérité du chalet, en 1989, le menuisier a demandé l'autorisation de procéder à des aménagements, en 2005. Permis accordés, mais pour faire propre et sécuriser l'endroit, le menuisier qui «n'aime pas le bordel qui traîne» a rallongé des toits et des façades.

Un mur a aussi été construit pour cacher des citernes, avec cette obsession de «faire propre». La suite? Une opposition formulée par la commune de Nods. Derrière cette démarche, Pierre-André Guillaume y voit une inégalité de traitement.

Des chalets agrandis sans autorisation, Pierre-André Guillaume en a photographié tout autour de sa propriété. Un exemple: «Pourquoi a-t-on jugé mes panneaux solaires trop proches de la forêt alors que d'autres le sont davantage?», s'interroge-t-il.

Qui boit l'apéro

Ce sentiment est accentué par une foule d'observations: comme cet élu qui boit l'apéro devant un chalet agrandi par la suite sans permis. Pierre-André Guillaume cherche une raison à la persécution ressentie. Les voisins? «Mon chalet est trop joli, ils sont jaloux». Les autorités: «Ils ont un problème, j'en sais trop».

Quand il a refait le toit du bûcher, Pierre-André Guillaume a remplacé les plaques fibrociment par des tuiles pour récupérer l'eau de pluie, sans augmenter les dimensions. Ce local ne renferme que des installations techniques et ne sert pas de d'habitat. «C'est propre, c'est beau», s'était dit le menuisier.

Délai: 30 juin

Au village, les chalets construits et agrandis illégalement exacerbent les sentiments. Après 13 ans de conflit, la sanction est venue du Tribunal fédéral: Pierre-André Guillaume a l'obligation non pas de rapetisser son bûcher, mais de le détruire. Dernier délai: le 30 juin prochain.

Avec le déplacement des installations techniques alimentées par des conduites, l'opération aura un coût estimé à 100 000 francs, qui s'ajoutera aux 50 000 francs de frais de justice.

Croix mortuaire

Pour donner une idée du climat qui règne sur le plateau de Diesse, Pierre-André Guillaume évoque ce jour où, après avoir déversé un tas de gravier devant son chalet, il y a retrouvé une croix mortuaire et des jonquilles plantées dessus.

Plainte a été déposée, mais ce n'est pas tout: il y a aussi les panneaux solaires renversés, les tas de neige entassés pour obstruer le passage et une mise aux poursuites adressée à sa menuiserie qui n'y est pour rien, entre autres tracasseries.

Nombreux acteurs

Une préfète, un géomètre, un maire: l'affaire englobe de nombreux acteurs. Dans «Le Journal du Jura», les élus de Nods se sont retranchés derrière les normes de l'Office des affaires communales et de l'organisation du territoire (OACOT), en matière d'aménagement du territoire, hors de la zone à bâtir.

Deux poids deux mesures? La commune «ne peut pas être au courant de tout». À Nods, Pierre-André Guillaume a déjà prévu sa riposte: sur l'emplacement libéré par la démolition, il parquera la remorque immatriculée d'un camion. Ni propre, ni joli, mais réglementaire.

Vincent Donzé

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