Guatemala: Morales rejette la mission anticorruption de l'ONU

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GuatemalaMorales rejette la mission anticorruption de l'ONU

Le président du Guatemala a refusé de renouveler, vendredi, le mandat de la mission onusienne contre la corruption. Il l'accuse d'ingérence.

Jimmy Morales, le président du Guatemala, semble remonté contre la mission anticorruption de l'ONU dans son pays.

Jimmy Morales, le président du Guatemala, semble remonté contre la mission anticorruption de l'ONU dans son pays.

Keystone

Le président de droite du Guatemala Jimmy Morales, mis en cause pour financement illégal présumé de sa campagne, a annoncé vendredi qu'il n'allait pas reconduire le mandat de la mission anticorruption de l'ONU dans son pays, l'accusant d'ingérence.

«Nous avons officiellement notifié au secrétaire général de l'ONU la non reconduction du mandat de la Cicig (Commission internationale contre l'impunité au Guatemala)», a déclaré à la presse M. Morales, en présence d'un grand nombre d'officiers militaires et de la police.

Sans faire directement allusion aux propos du chef de l'Etat, le porte-parole de la Cicig, Matias Ponce, a déclaré à des journalistes que cet organisme des Nations unies avait reçu le soutien de la communauté internationale et de représentants de la société civile guatémaltèque. Avant cette annonce, des véhicules militaires se sont garés près des bureaux de la Cicig avant d'en repartir une fois l'annonce faite.

Cette décision intervient peu après la demande adressée au Parlement par cette mission spéciale des Nations unies, chargée d'enquêter sur les affaires de corruption, et le parquet dans le but de lever l'immunité du chef de l'Etat pour financement illégal présumé de sa campagne présidentielle. Les deux institutions ont récemment présenté de nouvelles preuves selon lesquelles le parti de Jimmy Morales, FCN-Nacion (droite), n'a pas fait état de près d'un million de dollars qui lui ont été versés.

Le Parlement guatémaltèque a mis en place cette semaine une commission de cinq députés chargée d'étudier cette demande de levée d'immunité. Depuis plusieurs mois, le Guatemala est le théâtre d'une lutte de pouvoir entre le président Morales et la Cicig : à deux reprises par le passé, le Parlement a rejeté des requêtes similaires du parquet et de la Cicig.

Lutte de pouvoir

L'annonce de M. Morales a déclenché une avalanche de critiques et de protestations contre la mesure dans le centre de la capitale et au siège de la Cicig, où des discussions animées ont eu lieu avec d'autres manifestants qui étaient, eux, en faveur de la décision présidentielle.

«Cet acte lamentable (de M. Morales) répond aux intérêts en faveur de l'impunité et de la corruption», a déclaré le procureur chargé des droits de l'homme, Jordan Rodas.

Stéphane Dujarric, le porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a indiqué que ce dernier a pris acte de la décision du président Morales et a rappelé «l'importante contribution de la Cicig dans la lutte contre l'impunité au Guatemala». La membre du Congrès américain Norma Torres, originaire du Guatemala, a écrit sur les réseaux sociaux qu'elle était «consternée» par cette annonce et a accusé M. Morales d'«avoir complètement abandonné sa promesse électorale d'un gouvernement transparent». En août 2017, le Parquet guatémaltèque et la Cicig avaient déjà réclamé la levée de l'immunité du chef de l'Etat.

Furieux, Jimmy Morales avait réagi deux jours plus tard en accusant le chef de la Cicig, le Colombien Ivan Velasquez, de s'immiscer dans les affaires intérieures du pays et en ordonnant son expulsion immédiate. Cette décision, qui avait déclenché des manifestations hostiles de Guatémaltèques, avait été finalement annulée par la Cour constitutionnelle.

Un code pénal modifié

Une autre mesure polémique avait été prise le mois suivant, en septembre 2017. Le Parlement avait alors modifié le code pénal, pour permettre que, pour les délits punis de 10 ans de prison au plus, les prévenus puissent être libérés sous caution. Jusque-là, ce n'était possible que pour les délits passibles de cinq ans de prison maximum.

Profitant d'un mouvement d'exaspération populaire contre la corruption et la classe politique, l'acteur comique Jimmy Morales avait été élu en octobre 2015 à la tête du Guatemala. Producteur de cinéma et animateur à la télévision, il était devenu célèbre en 2007 en incarnant «Neto», un cowboy naïf sur le point de devenir président par accident. Cette élection avait été le point d'orgue de plusieurs mois d'une mobilisation historique contre la corruption.

Les manifestants dénonçaient le vaste réseau de fraude découvert au sein des douanes, qui aurait détourné 3,8 millions de dollars entre mai 2014 et avril 2015, dans ce pays où 53,7% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

Un scandale qui avait poussé le précédent chef de l'Etat (2012-15), Otto Pérez, à démissionner en septembre 2015 avant d'être placé en détention provisoire. Accusé d'avoir organisé un réseau de corruption et perçu 800'000 dollars (710'000 euros) en pots-de-vin, la justice a décidé en octobre 2017 de le juger pour corruption.

(AFP)

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