Euthanasie«Ne tuez pas Droopy!»
Un berger allemand pourrait être abattu pour avoir mordu un enfant à travers un treillis. Il représenterait un «risque potentiel». Ses maîtres s'insurgent contre cette décision.
- par
- Benjamin Pillard

Joël et Laurence Marseille entourent leur fille Samantha, sœur de Nathaniel. Le petit a été blessé par «Droopy», le chien de David et Patricia Egli (debout).
«La décision est démesurée, l'Etat nous prive de nos droits!» Patricia Egli n'en revient toujours pas. Il y a six semaines, cette trentenaire reçoit un courrier en recommandé de l'Office vétérinaire cantonal vaudois. Objet de la missive: «Séquestre définitif et euthanasie du chien berger allemand croisé «Droopy.» Autrement dit, son chien de 5?ans est condamné à mort. Lundi dernier, la Vaudoise a adressé un recours auprès du Département de la sécurité et de l'environnement (DSE), le dicastère de la conseillère d'Etat Jacqueline De Quattro. Le destin de «Droopy» a basculé le 10 mai dernier. Ce jour-là, les quatre enfants du couple Egli, âgés de 3 à 11?ans, jouent dans le jardin de leur maison, à Corcelles-près-Payerne (VD). La grand-maman maternelle et la baby-sitter veillent au grain pendant que les parents sont au travail. Vers 14?h, Baptiste, 7?ans, aperçoit Nathaniel, un voisin et copain d'école de son frère aîné. «Il était derrière le portail et s'est mis à caresser «Droopy» à travers le treillis», témoigne Baptiste. Qui ajoute qu'il a tout à coup entendu Nathaniel hurler. Mais «quand je me suis retourné, il n'était plus là», reprend le petit.
Première version fausse
Et pour cause! Parti en courant, Nathaniel a rejoint sa maison, située à une centaine de mètres. «Il est arrivé en pleurs, la main en sang», raconte Laurence Marseille, la maman de Nathaniel. «Il manquait un bout de chair, son doigt était comme coupé en biseau», complète Joël Marseille, le papa. Direction l'Hôpital intercantonal de la Broye, à 2,5?km de là. Plus de peur que de mal: les blessures sont superficielles. Seulement voilà, le garçon donne d'abord une version différente des faits à sa maman. Selon lui, c'est un chien sans laisse, accompagné de son maître, qui l'aurait mordu dans la rue. Paniquée à l'idée qu'un chien dangereux soit en liberté dans ce village de 1900 habitants, Laurence Marseille appelle la police. Les gendarmes débarquent à l'hôpital, auditionnent l'enfant. Quelques minutes plus tard, des maîtres-chiens de la brigade canine vaudoise quadrillent le secteur et trouvent le chien qui correspond au signalement donné par Nathaniel: «Droopy». Entre-temps, à l'hôpital, Nathaniel craque et raconte la vérité. «Il voulait protéger le chien et ses copains», explique le papa. Trop tard: le vétérinaire cantonal a ordonné la séquestration immédiate de «Droopy». Six jours plus tard, le chien est évalué par l'Office vétérinaire cantonal vaudois. Verdict: «Risque potentiel pour des personnes inconnues du chien.» Le 30 mai, le vétérinaire cantonal estime que «Droopy» représente un danger important pour la sécurité publique» et qu'«aucune mesure corrective ne peut y remédier». Depuis, lorsque les quatre enfants du couple Egli demandent où est le berger allemand avec lequel ils ont grandi, un lourd silence envahit la pièce.